Thèse en sciences de l’environnement, soutenue le 16 décembre 2024 par Christophe Gilliand, rattaché à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.
À l’origine de la réflexion proposée dans cette thèse se trouve un double constat. D’une part, l’existence d’une crise environnementale globalisée, engageant la responsabilité humaine, fait désormais l’objet d’un consensus scientifique indiscutable et relève du savoir populaire. D’autre part pourtant, les timides mesures mises en œuvre pour y faire face semblent indiquer que nous ne parvenons pas pleinement à saisir l’urgence, comme si la nature constituait un ailleurs situé par-delà notre champ de considération morale. Dans une perspective technique et économique, les principes habituellement mobilisés pour motiver un changement dans nos comportements vis-à-vis de notre environnement sont ceux de « gestion rationnelle » des « ressources naturelles » et des « services écosystémiques », ou encore, de « responsabilité envers les générations futures ». Alors même que nous nous savons compris dans l’histoire de l’évolution, notre appartenance propre à la nature semble être largement occultée. Ainsi, pour remonter aux racines de la crise environnementale et de nos difficultés à y faire face, sans doute importe-t-il de questionner l’anthropocentrisme qui structure notre rapport au monde. C’est-à-dire, le système de valeurs et de représentations qui place l’humain en son centre orbital.
Cette thèse, inscrite dans le champ de recherche de l’écophénoménologie, se propose précisément de contribuer à cette réflexion par l’exploration de l’expérience vécue de la nature. Autrement dit, l’expérience sensible et immédiate d’un monde vivant, un monde plus qu’humain partagé par une multitude de formes de vie. Structurée en deux parties, notre recherche vise d’abord à clarifier ce qui fait la spécificité et la pertinence de la méthode phénoménologique relativement à la question de l’anthropocentrisme. Nous soulignons qu’avant d’être un concept ou un objet de discours, la « nature » se donne comme un phénomène concret, palpable, adressé à nos sens. Comme nous le suggérons, cette façon de l’appréhender à partir d’une perspective en première personne s’avère particulièrement féconde pour la philosophie environnementale. Elle conduit à la reconnaissance intime de notre entremêlement dans la trame du vivant.
Dans la seconde partie, il s’agit dès lors de plonger dans la perspective incarnée et foncièrement relationnelle de l’écophénoménologie. Notre mode d’être fondamental, proposons-nous de le comprendre, est celui de la participation. Avant d’être des observateurs détachés du monde et des êtres qui le peuplent, nous sommes pris avec eux dans l’aventure de l’existence. L’ensemble de notre propos s’articule autour de cette expérience de participation dont nous nous attelons à élucider la signification et les conséquences philosophiques. Comme nous le pensons, elle nous ramène à notre condition de vivant et donne chair à l’idée d’un « soi écologique ». Plus encore, elle s’invite au cœur de la quête de la vie bonne et offre un fondement sensible à l’engagement éthique et politique. En définitive, soutenons-nous, la clé de la « transition écologique » est à rechercher d’abord dans la qualité de notre présence au monde.