Gestion des risques et géographie du droit : relationalité, incertitudes et résistance dans le cas de Karabaglar, Izmir (Türkiye)

Thèse en géographie, soutenue le 2 juillet 2024 par Irem Ince Keller, rattachée à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.

Ce projet de doctorat vise à identifier et à analyser le rôle de l’incertitude dans la gestion des risques en examinant les interactions entre les acteurs, les lieux et la loi. Ma recherche explore un changement intervenu dans la loi de gestion des risques sismiques en Turquie, à la suite de la catastrophe du tremblement de terre d’octobre 2011. Le tremblement de terre, d’une magnitude de 7,2 MW, a causé la mort de 644 personnes et endommagé 11 000 bâtiments dans la ville de Van. La loi 6306 sur la transformation des zones à risque est entrée en vigueur en mai 2012 afin de prévenir, pour le futur, d’autres dommages catastrophiques en Turquie.

Onze ans après la promulgation de cette loi, mon objectif principal est d’explorer comment la ville d’Izmir – et son réseau hétérogène de relations entre les pratiques humaines et les matérialités non humaines (par exemple, les titres fonciers, les plans directeurs d’urbanisme, les tremblements de terre) – répond aux risques sismiques et à la loi encadrant les stratégies de gestion des risques sismiques. 

Cette thèse de doctorat vise à combler les lacunes de la gestion traditionnelle des risques, qui se concentre principalement sur la surveillance des risques liés aux enjeux géophysiques du territoire et n’aborde pas le rôle des pratiques humaines et des matérialités non humaines dans la production et la gestion des risques. En outre, elle ne tient pas suffisamment compte de la nature profondément incertaine du risque et de la capacité du territoire à résister aux mesures. Les questions relatives à la gestion des risques forment l’épine dorsale de cette recherche en se référant à deux cadres théoriques principaux : la géographie du droit et la théorie de l’acteur-réseau (ANT).

La géographie du droit est utilisée comme cadre théorique et méthodologique central pour explorer les relations juridiques/sociales/spatiales engagées dans le processus de gestion des risques. La prémisse méthodologique de l’ANT – « suivre les acteurs » – est utilisée pour retracer le réseau hétérogène de relations entre les humains et les non-humains au sein des assemblages urbains qui se développent en lien avec la mise en œuvre de la loi. En utilisant cette perspective, la thèse de doctorat étudie les incertitudes qui découlent des relations socio-matérielles complexes dans la pratique de la gestion des risques. Elle se concentre, au travers d’enquêtes approfondies, sur les enjeux, les arènes, les acteurs (humains et non humains) et les pratiques qui régissent la définition des zones à risque sismique et déclenchent des processus de transformation urbaine en vertu de la loi 6306.

En recourant à une étude de cas et à des analyses qualitatives, la recherche explore le cas de Karabağlar, İzmir, l’une des plus grandes zones à risque de Turquie, qui est actuellement confrontée à divers défis en raison des incertitudes accrues dans le processus de transformation urbaine. Par conséquent, cette étude se concentre sur l’interaction mutuelle entre la loi 6306 et les zones à risque sismique que la loi exige de désigner, et non sur la préparation ou l’amélioration de la résilience. Dans l’ensemble, cette thèse de doctorat vise à apporter un nouvel éclairage sur l’incertitude dans la gestion des risques au travers de la géographie du droit et d’une approche relationnelle (ANT).

Les résultats de la recherche explorent les succès, les échecs et les changements de la loi 6306 en Turquie en termes d’impact sur les villes – et son réseau hétérogène de relations entre les pratiques humaines et les matérialités non humaines. Considérant l’impact plus large de la loi sur la société et les lieux, cette thèse de doctorat fournit un retour d’information sur la gestion des risques sismiques qui est utile aux gestionnaires des risques et aux praticiens, aux décideurs politiques, aux citoyens, aux membres d’ONG, aux activistes et aux chercheurs engagés dans les approches socio-juridiques aux niveaux local, national et international.

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