La couverture médiatique de la recherche sur le changement climatique ne provoquerait pas l’envie d’agir 

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Marie-Elodie Perga, Institut des dynamiques de la surface terrestre

Le traitement médiatique des avancées scientifiques sur les enjeux climatiques ne serait pas à même d’activer les mécanismes connus en psychologie pour déclencher une action chez les individus et les groupes.

Telle est la conclusion d’une étude menée par des scientifiques de sciences sociales et de géosciences de l’Université de Lausanne (UNIL).

La planète se réchauffe à cause des activités humaines et les conséquences seront dévastatrices pour tous les êtres vivants, y compris les humains : à l’heure actuelle, nul ne peut prétendre passer à côté de cette information. Comment les revues scientifiques et les médias relayent-t-ils la recherche liée à ces thématiques ? Les angles des articles sont-ils efficaces pour provoquer chez les gens l’envie d’agir face à cette réalité ? 

Dans une étude publiée dans Global Environmental Change, des scientifiques de l’UNIL spécialisé·e·s en géosciences et en psychologie se sont penché·e·s sur ces questions. Une analyse de la collection des quelque 50’000 parutions scientifiques de l’année 2020 sur le changement du climat a été menée, pour identifier lesquelles, dans cet imposant corpus, ont reçu des échos dans les médias grand public. Résultat : la majorité des recherches relayées sont issues des sciences naturelles, et étaient focalisées sur des projections climatiques de large ampleur et qui se produiront dans le futur – menaces sur les ours polaires, sécheresse et fonte des glaciers, notamment. Or ce type de narration ne permettrait pas d’activer les mécanismes connus en psychologie pour engager des comportements pro-environnementaux chez les lecteurs. Cette sélection pourrait même à l’inverse provoquer le déni et l’évitement.  

Présenter le problème, mais aussi les solutions

L’étude parle ainsi d’une possible réaction de distanciation de la part du public, découlant de cette approche globalisante. « Les individus exposés à ces faits, ne se sentant pas directement concernés, tendront vers un traitement périphérique, superficiel et distrait de l’information. Or seule une prise en considération centrale, profonde et attentive permet au public de transformer ce qu’il sait en mécanismes d’action et d’engagement », explique Fabrizio Butera, professeur à l’Institut de psychologie de l’UNIL, et co-auteur de l’étude. Marie-Elodie Perga, professeure à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre de l’UNIL et co-autrice de l’article ajoute : « Si le but d’une recherche donnée est d’avoir un impact sociétal, alors il semble que nous appuyions sur tous les boutons qui ne fonctionnent pas ». 

Si le but d’une recherche donnée est d’avoir un impact sociétal, alors il semble que nous appuyions sur tous les boutons qui ne fonctionnent pas

Marie-Elodie Perga, Professeure à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre

Les menaces de grande ampleur susciteraient par ailleurs la peur. Or, comme le rappelle Fabrizio Butera : « les recherches sur le comportement humain démontrent que la peur peut entraîner un changement de comportement chez les individus et les groupes, mais à condition que le problème présenté soit accompagné de solutions ».  Face à des articles purement descriptifs, le public aura ainsi tendance à occulter le problème, rechercher de l’information moins anxiogène et s’entourer de réseaux qui lui présentent une réalité plus sereine.  

Recherche, revues scientifiques et média

Que faire alors, pour communiquer de façon efficace, encourageante, permettant d’engager toute la société dans des processus d’action ? « Le traitement des sujets environnementaux de manière transversale et axée sur les solutions serait utile. Il s’agirait de montrer que le changement climatique a des conséquences directes sur nos modes de vie, notre environnement immédiat ou nos finances, par exemple », illustre Marie-Elodie Perga. Une approche qui impliquerait tant les responsables de communication des institutions de recherche que les publications scientifiques, en passant par les médias.  

« Pour l’instant, les publications scientifiques les plus renommées privilégient les études avec des projections pour la fin du siècle », explique-t-elle encore. « Les journalistes couvrent ensuite très largement les parutions de ces revues, qui sont les mieux cotées. »

Perspectives 

Le débat sur le traitement des questions climatiques est déjà présent au sein du monde médiatique « En France, par exemple, un collectif de journalistes a mis au point une charte prônant l’adaptation du traitement médiatique de ces questions, et appelant à plus de transversalité. », évoque Marie-Elodie Perga « Notre étude est un appel à l’interdisciplinarité et à l’action. Isolément, un être humain n’aura pas d’impact, mais des actions collectives sont très efficaces. Il existe des solutions, mais il faudrait les mettre en lumière, au-delà des initiatives locales ».  

Cette recherche a été facilitée par le biais du Centre pour l’impact et l’action climatique (CLIMACT), affilié à l’UNIL et l’EPFL. CLIMACT a pour mission de promouvoir des solutions systémiques pour lutter contre les changements climatiques. Il collabore avec le monde politique, médiatique et culturel pour renforcer le dialogue entre la science et la société.

Bibliographie

One Comment on “La couverture médiatique de la recherche sur le changement climatique ne provoquerait pas l’envie d’agir ”

  1. merci, pertinent.
    Je préfère « agir pour » que « lutter contre », porté par plus de force et enthousiasme.
    Lutter c’est combattre, c’est nier.
    Agir pour est créer, dépasser, changer d’habitude, laisser derrière. Se focaliser sur ce que nous voulons/pouvons changer.
    lutter contre donne l’attention, donc encore plus de force à ce que nous ne voulons pas.
    donc: j’agis pour!

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