Thèse en sciences de la Terre, soutenue le 17 février 2022 par Lorenzo Lustri, rattaché à l’Institut de sciences de la Terre (ISTE) de la FGSE.
Les animaux les plus abondants sur Terre sont les arthropodes. Ces derniers regroupent : insectes, crustacés, mille-pattes, araignées et de nombreux autres groupes éteints tels que les trilobites. Les arthropodes sont des animaux ayant connu un immense succès évolutif étant apparus il y a plus de 500 millions d’années, durant la période du Cambrien. Dès leur apparition, ils ont dominé les écosystèmes marins au sein desquels ils étaient l’un des constituants majeurs des communautés faunistiques.
Parmi eux, les chélicérates sont rapidement devenus des prédateurs importants au spin de ces écosystèmes précoces. Les chélicérates modernes regroupent notamment les araignées et les scorpions, mais de nombreux anciens chélicérates, aujourd’hui disparus, étaient entièrement aquatiques et comprenaient des prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire tels que les scorpions géants de mer, qui se sont éteints à la fin du Permien, il y a 252 millions d’années.
Au cours de l’Ordovicien (il y a 485 à 443 millions d’années), une diversification biologique majeure s’est déroulée durant laquelle est apparu un autre membre iconique au sein des chélicérates, les limules (Xiphosurida). Les limules sont communément appelés « fossiles vivants » dû au fait que leur anatomie est restée presque inchangée durant les derniers 445 millions d’années, depuis leur apparition jusqu’à nos jours, où quatre espèces peuplent toujours les océans.
Datant de I’Ordovicien Inférieur (environ 478 millions d’années), le site fossilifère marocain du biote de Fezouata a fourni deux nouvelles espèces éteintes de limules. Ce site est un « Konservat-Lagerstritte », l’un des rares sites fossilifères dans lequel une préservation exceptionnelle des tissus mous des animaux a été possible. Ces deux nouvelles espèces du biote de Fezouata représentent les plus anciennes limules connues à ce jour et constituent dès lors une mine d’informations concernant l’évolution anatomique basale de ce groupe.
L’une de ces espèces (nomen nudum 1) appartient à un groupe particulier ressemblant aux limules, les synziphosurines. Ce nouveau synziphosurine du biote de Fezouata met en lumière l’évolution des membres et de l’architecture corporelle des chélicérates, permettant de mettre en évidence la transition qui s’est déroulée au sein des chélicérates passant d’un corps avec des appendices constitués de deux parties distinctes (biramé) à des appendices constitués d’une seule partie (uniramé). Cette nouvelle espèce témoigne également de l’évolution de la segmentation du corps chez les chélicérates. De plus, de nouveaux fossiles appartenant à une espèce plus jeune déjà décrite de synziphosurines (Bunaia woodwardi) des USA a également été étudiée. Les nouvelles données anatomiques découvertes sur ces fossiles confirment I’histoire suggérée par les fossiles provenant du biote de Fezouata. C’est d’autant plus vrai concernant la partie terminale du corps des chélicérates.
L’autre nouvelle espèce de limule (nomen nudum 2) du biote de Fezouata atteste pour la première fois de la présence d’yeux rétractiles pédonculés chez les limules, et elle fournit également des indications sur l’évolution du système respiratoire de ce groupe. La présence de tels organes chez les limules n’avait jamais été documentée et remet en cause le fait que ces animaux soient considérés comme des « fossiles vivants ».
Finalement, le comportement, I’habitat et le développement de cette espèce (numen nudum2) ont été examinés. Cette thèse a étudié le développement et les comportements de ces animaux en lien avec les différents paléoenvironnements où ces fossiles ont été découverts. Bien que les résultats de cette étude aillent à l’encontre de l’idée selon laquelle ces animaux n’ont anatomiquement pas changé depuis leur apparition, leur habitat et leur mode de vie, comprenant une migration vers des eaux peu profondes dans le but de se reproduire et grandir pour ensuite migrer à nouveau vers des eaux profondes à l’âge adulte, sont restés inchangés depuis I’apparition du groupe, ll y a 478 millions d’années de cela.