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En collaboration avec une équipe internationale, un chercheur de l’Institut des sciences de la Terre montre à quel point l’évolution des températures a été complexe au cours des derniers millénaires.
Pour prédire l’avenir, nous nous appuyons sur des modèles climatiques. Mais réduire l’incertitude de ces modèles est délicat. Pour cela, nous avons besoin de données fiables sur de longues périodes. C’est pourquoi la connaissance de l’histoire climatique de la Terre depuis un lointain passé est inestimable : elle aide à nous projeter dans l’avenir. Or les changements de température moyenne à la surface de la Terre ces 12’000 dernières années (pendant l’époque interglaciaire actuelle, l’Holocène) sont sujets à débats. D’un côté, les simulations des modèles climatiques suggèrent un réchauffement continu depuis le début de l’Holocène. De l’autre, les reconstructions les plus documentées suggèrent que la température moyenne mondiale était maximum il y a environ 6000 ans, puis que la Terre s’est refroidie jusqu’au début de la crise climatique actuelle (à la révolution industrielle). Ce décalage majeur entre les modèles et les observations climatiques passées est appelé « l’énigme de la température de l’Holocène ».
Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont utilisé la plus grande base de données disponible de reconstructions de températures passées, remontant à 12’000 ans. L’équipe a examiné en particulier la répartition géographique des changements de température. Contrairement à ce que l’on pensait, il n’y a pas eu de période chaude synchronisée et mondiale pendant l’Holocène. Au contraire, les températures les plus chaudes sont observées à des moments différents selon les régions du monde. Elles varient également entre l’océan et le continent.
Selon l’auteur principal, Olivier Cartapanis, « les résultats remettent en question le paradigme d’un maximum thermique survenu au même moment dans le monde entier durant l’Holocène ». Alors que la température la plus chaude a été atteinte entre 4000 et 8000 ans en Europe occidentale et en Amérique du Nord, la température de surface de l’océan se refroidit depuis environ 10’000 ans aux latitudes moyennes et reste stable sous les tropiques… Le moment où la température maximale est atteinte varie donc dans l’espace. Ces résultats suggèrent que l’ensoleillement aux hautes latitudes et l’étendue des glaces ont joué un rôle majeur dans les changements climatiques tout au long de l’Holocène. Cela remet aussi en question la pertinence de la comparaison entre la reconstruction des moyennes mondiales et les simulations de modèles, au cœur de l’énigme de l’Holocène.
Pour Samuel Jaccard, professeur à l’Institut des sciences de la Terre, ces résultats mettent en lumière « une variabilité climatique plus nuancée avec de fortes disparités régionales au cours du temps. » Il estime que « la prise en considération de ces spécificités régionales devrait être une priorité pour le développement des modèles climatiques, afin de guider au mieux les mesures à prendre au plus vite, afin d’atténuer les conséquences du changement climatique ».
Ces nouveaux éléments fixent donc un objectif clair aux modèles climatiques. Leur capacité à prendre en compte les variations climatiques dans l’espace et dans le temps augmentera la fiabilité des projections sur les changements climatiques futurs.
Référence bibliographique
- Cartapanis O., Jonkers L., Moffa-Sanchez P., Jaccard S. L., De Vernal A. Complex spatio-temporal structure of the Holocene Thermal Maximum. Nature Communications.
doi.org/10.1038/s41467-022-33362-1