Thèse en sciences de la Terre, soutenue le 17 novembre 2022 par Joanne Elkadi, rattachée à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST) de la FGSE.
Les derniers 2.6 millions d’années de l’histoire de la terre ont été définis par des fluctuations climatiques entre des phases glaciaires et interglaciaires. Ces phases modifient le paysage à leur manière avec des cycles de croissance et de décroissance des glaciers. La compréhension des conditions climatiques passées, et de leurs effets sur l’environnement, est essentielle. Cela permet de tester et d’améliorer les modèles climatiques qui ont été développés pour prévoir le futur climat. Afin d’évaluer leurs performances, les modèles simulent les conditions du passé et leurs résultats sont comparés à des reconstitutions indépendantes.
De nombreuses recherches ont été consacrées à mieux comprendre le dernier maximum glaciaire (LGM), dernière grande période de froid qui eut lieu il y a environ 20 000 ans. L’augmentation de la température entre cette époque et aujourd’hui est la même que celle prévue pour le futur dans le cadre d’un scénario d’émissions élevées de gaz à effet de serre. Par conséquent, il est dans notre intérêt de comprendre le climat du LGM et les changements de paysage qui se sont produits depuis. Malheureusement, les informations sur les conditions environnementales depuis le LGM restent peu documentées en raison d’un manque de matériel exploitable et/ou de techniques d’analyse adaptées. Au cours des cinq dernières années, deux nouvelles méthodes ont été développées. Ces dernières permettent d’obtenir des informations sur le climat passé et l’érosion de surface depuis le LGM en utilisant un signal sensible à la lumière et à la chaleur dans les surfaces rocheuses.
Ici, j’applique ces nouvelles techniques sur des échantillons prélevés sur les flancs du glacier du Gorner en Suisse, en combinaison avec des résultats de la Mer de Glace en France. Je montre qu’il existe une relation entre l’intensité de l’érosion non-glaciaire et l’altitude, dans le sens où plus les surfaces sont en haut altitude, plus l’érosion est faible. L’érosion par les glaciers a longtemps était considérée comme beaucoup plus forte que l’érosion non-glaciaire. Mon travail confirme cela, cependant j’y montre que le taux d’érosion non-glaciaire dans les environnements montagneux est bien plus haut que l’on spéculait. Ces observations contribueront à mieux comprendre les processus qui façonnent les environnements montagneux. Par rapport à la fin du LGM, je constate que le climat des Alpes en Europe occidentale était beaucoup plus froid et sec qu’aujourd’hui – près de 9 °C de moins et 50-85 % plus sec. Il s’agit d’informations importantes à intégrer dans les modèles climatiques, car elles offrent une quantification locale de la température. Cela pourrait aussi contribuer à résoudre les débats actuels sur l’état de la circulation atmosphérique à cette époque.