Thèse en géographie, soutenue le 19 août 2022 par Pascal Egli, rattaché à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.
Cette thèse de doctorat s’intéresse à la géométrie des chenaux sous-glaciaires des glaciers alpins et à leur interaction avec le retrait rapide de ces glaciers dans le contexte d’une fonte de surface accrue. Dû aux émissions des gaz à effets de serre produites par les humains depuis le début de l’industrialisation, la température de l’air a augmenté considérablement au cours du 20e siècle. Ceci a provoqué un retrait rapide des glaciers alpins, avec la perte de près de deux tiers du volume de glace dans les Alpes depuis le petit âge glaciaire (1850). Dans le cas d’un scénario climatique « moyen », avec une augmentation de la température de l’air de 3°C entre 2000 et 2100, les études les plus récentes prédisent une perte de 80% de la surface actuelle des glaciers dans les Alpes Suisses d’ici la fin du 21e siècle. Il est donc essentiel de mieux comprendre les mécanismes liés à cette perte de glace afin d’estimer les impacts sur l’hydrologie et sur le transport des sédiments des ruisseaux alpins. Ceci nous permettra de quantifier les impacts sur les écosystèmes, sur l’approvisionnement en eau, sur le tourisme, sur l’agriculture et sur les dangers naturels, entre autres.
Cette thèse cherche à améliorer le savoir sur les chenaux sous-glaciaires comme élément principal de l’hydrologie sous-glaciaire, ainsi que sur les processus de fonte menant à l’effondrement de certains chenaux, produisant un retrait abrupt et rapide de plusieurs glaciers dans les Alpes.
Dans une première partie du travail des mesures de géoradar sont utilisés pour déterminer la position et la géométrie des chenaux principaux sous le Haut Glacier d’Arolla (Val d’Anniviers, Valais) et sous le Glacier d’Otemma (Val de Bagnes, Valais), le glacier d’étude principal de cette thèse. Ces chenaux ont une morphologie plutôt en méandres et ils ont une largeur d’environ 10 à 25 mètres. Leur position a été vérifié grâce aux exutoires au terminus des glaciers et aux effondrements de glace visibles sur les photographies aériennes afin de confirmer les mesures de géoradar.
Dans une deuxième partie de la thèse, un grand effondrement de la surface du Glacier d’Otemma (voir image de couverture) proche du terminus est étudié en détail afin de mieux comprendre les processus conduisant à un tel effondrement. Pour cette étude l’imagerie du drone, des mesures de tiges d’ablation ainsi que les données du géoradar ont été utilisés. De plus, 21 glaciers dans les Alpes Suisses ont été étudiés à l’aide des images aériennes historiques à partir de 1938 et en utilisant des données d’épaisseur de glace récentes afin de comparer les glaciers qui exhibent des effondrements avec les glaciers sans effondrements. Cette étude montre que ces effondrements surviennent lorsqu’un glacier qui se retire rapidement stagne (le flux de glace au front est presque zéro), lorsque la glace est peu épaisse et la pente de la surface du glacier est petite. Le chenal sous-glaciaire creuse dans la glace et dans les sédiments, créant une cavité dans la glace et laissant un plafond de glace peu épais qui va s’effondrer suite à la fonte à l’intérieur du chenal et à la surface du glacier. Les blocs de glace ainsi produits sont évacués par le torrent de façon efficace, et le chenal continue à s’effondrer et à s’élargir.
La troisième partie de la thèse étudie les facteurs qui influencent la fonte à la surface d’un glacier alpin, à l’image du Glacier d’Otemma, à l’aide des modèles numériques du terrain produits à partir de l’imagerie du drone. Cette partie montre que l’effet de la radiation solaire sur la topographie à petite échelle est un facteur important qui contrôle la fonte de g lace. D’autres facteurs contributeurs sont la réflectivité et la rugosité de la surface ainsi que l’action de l’eau qui coule à la surface du glacier.
Dans l’ensemble, cette thèse montre que le retrait des glaciers alpins tempérés n’est pas seulement le résultat de la fonte de glace à la surface, mais aussi des processus d’effondrement abrupts résultant des interactions entre les processus sous-glaciaires et des processus de fonte à la surface du glacier. Dans les années à venir ces processus vont devenir plus importants pour le retrait des glaciers alpins.