Thèse en sciences de la Terre, soutenue le 29 juin 2022 par Zoneibe Augusto Silva Luz, rattaché à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST) de la FGSE.
Face au changement climatique du siècle à venir, il est devenu essentiel de mieux comprendre les systèmes naturels de la Terre et leur fonctionnement. Une bonne approche pour ce faire consiste à étudier des conditions « extrêmes » similaires dans le passé géologique, sans influence anthropogénique. Dans cette optique, les événements d’extinction de masse représentent une bonne possibilité d’améliorer la compréhension des impacts du changement climatique contemporain, dès lors qu’ils peuvent représenter des périodes de changements environnementaux relativement rapides, comme ceux auxquels on peut s’attendre aujourd’hui (par exemple, des intervalles avec des changements relativement rapides des concentrations de CO2).
Dans cette perspective, j’ai étudié la période du Trias inférieur (252 à 247 Ma). Cet intervalle de temps est la conséquence du plus catastrophique de tous les événements d’extinction massive sur Terre : L’extinction de masse de la limite Permien-Trias. Cette crise biotique a été déclenchée par les conséquences liées au volcanisme des Trappes de Sibérie, où des niveaux significatifs de gaz à effet serre ont été répandus dans I’atmosphère. Pour cette raison, il a été considéré que le Trias inférieur était défavorable à la vie de manière générale. C’était en effet le cas pour la faune benthique, mais les consommateurs secondaires ont connu des périodes de récupération et d’extinction pendant le Trias précoce, la plus remarquable de ces extinctions s’étant produite à la limite entre le Smithian et le Spathian. Afin de complémenter nos connaissances sur le paléoclimat du Trias inférieur, tout en améliorant notre compréhension des changements climatiques, une étude géochimique a été réalisée dans cette thèse.
Pour ce faire, j’ai utilisé la bioapatite des conodontes, un groupe de vertébrés fossiles omniprésent du Cambrien jusqu’au Trias (541 à 485 Ma). Pour élucider les dérèglements climatiques enregistrés par les conodontes, la méthode d’analyse des isotopes stables de I’oxygène (delta18O) a été choisie de deux manières : un échantillonnage en vrac pour analyser par réduction à haute température ; et une analyse in-situ par spectrométrie de masse à ions secondaires. Bien qu’étant un outil très précieux pour les études paléoclimatiques, la petite taille des conodontes (environ un demi-millimètre) a limité les applications antérieures utilisant ceux-ci à partir de sections où ils étaient rarement présents.
Pour contourner cela, la première partie de cette thèse consiste à évaluer les conodontes en utilisant les deux méthodes d’isotopes stables et des techniques supplémentaires pour révéler la microstructure et la distribution des éléments de nos échantillons. Ce travail a fourni des informations intéressantes et a permis d’établir un protocole analytique efficace, qui a été appliqué pour I’analyse des rares conodontes disponibles à ce projet.
Dans la deuxième partie, les conodontes omanais ont été analysés à partir de deux sections offshore, censées mieux représenter les conditions marines que les sections côtières où traditionnellement les conodontes ont été étudiés. L’une des sections présente la meilleure résolution de la limite du Smithian-Spathian à ce jour et a révélé un aspect « oscillant » plutôt qu’un changement climatique « unilatéral ».
Enfin, la dernière partie de cette thèse a compilé les compositions isotopiques de I’oxygène de toutes les sections, qui représentaient des paléolatitudes basses à élevées. On peut noter que les valeurs des sections côtières peuvent être fortement affectées par les processus qui se produisent près de la côte (par exemple : ruissellement continental), mais elles donnent une perspective sur la paléosalinité. Tous ces résultats complémentent bien non seulement les connaissances sur le Trias inférieur, mais fournissent également des données fiables utilisables par les modèles climatiques qui veulent prédire les irnpacts futurs du changement climatique moderne.