Cette publication est également disponible en : English
Une équipe internationale coordonnée par Johanna Marin Carbonne (ISTE) a réussi à mesurer les micropyrites dans des tapis microbiens modernes à Cuba et au Mexique. Elle expose ses résultats dans une nouvelle publication de Geochemical perspective letters.
L’activité biologique des microorganismes peut être responsable de la formation de certaines roches, appelées microbialites1. Actuellement, les microbialites se forment dans des environnements très variés, dans l’eau douce comme dans l’eau salée. Ces microbialites hébergent des communautés microbiennes très diverses, qui influencent les cycles biogéochimiques et induisent la précipitation de phases minérales particulières telles que la pyrite, un minéral composé de fer et de soufre. Étudier ces minéraux permet de mieux comprendre les interactions entre le vivant et les milieux à la surface de notre planète.
L’équipe a analysé à petite échelle les pyrites présentes dans des microbialites d’un lac volcanique alcalin du Mexique et d’une lagune hypersalée marine de Cuba. Une combinaison de techniques de pointe (dont la NanoSIMS) a permis d’observer ces pyrites à très fort grossissement et déterminer leurs compositions isotopiques (leurs teneurs en soufre léger et en soufre lourd). Ces efforts ont révélé que les pyrites présentes dans les deux environnements étudiés, pourtant très différents, étaient remarquablement similaires isotopiquement : elles ont les mêmes teneurs en soufre léger. Ce sont des compositions typiques d’une production par les microorganismes.
Les pyrites formées par l’activité microbienne sont donc différentes des pyrites qui se forment sans intervention du vivant. Les auteur·rices proposent donc d’utiliser ces pyrites comme des biosignatures : leur identification dans des roches très anciennes pourrait révéler la présence de microorganismes à ces époques reculées. Cette approche offrirait une nouvelle lecture des environnements qui existaient à la surface de notre planète il y a très longtemps. Ce résultat souligne de façon corollaire les limites de l’utilisation des pyrites pour les reconstructions des paléoenvironnements globaux, puisque les pyrites issues d’une activité microbienne sont différentes des pyrites abiotiques.
Cette étude a été coordonnée par Johanna Marin-Carbonne, professeure assistante à l’Université de Lausanne, grâce à une programme européen H2020 (ERC Starting Grant STROMATA) . Elle a impliqué deux doctorants (Marie Noëlle Decraene et Robin Havas) et plusieurs chercheurs post-doctoraux (Julien Alleon, Virgil Pasquier, Nina Zeyen). De nombreux partenaires y ont contribué : des laboratoires français (IMPMC, Paris, Biogéosciences, Dijon, Magma et Volcans, Clermont-Ferrand), l’Institut Weizmann (Israel), l’Université de l’Alberta (Canada), le laboratoire de Géochimie biologique de l’EPFL et l’Université de Lausanne. Le protocole analytique a été développé et calibré sur les NanoSIMS du MNHN (Paris) et du Centre conjoint UNIL-EPFL d’analyse de la surface (CASA).
Référence bibliographique
J. Marin-Carbonne, M.-N. Decraene, R. Havas, L. Remusat, V. Pasquier, J. Alléon, N. Zeyen, A. Bouton, S. Bernard, S. Escrig, N. Olivier, E. Vennin, A. Meibom, K. Benzerara et Ch. Thomazo (2022) Early precipitated micropyrite in microbialites: A time capsule of microbial sulfur cycling. Geochemical perspective letters.