Synergies de R&D terrestre et spatiale comme moteurs de la mise en œuvre de la durabilité
Thèse en sciences de l’environnement, soutenue le 5 avril 2022 par Théodore Besson, rattaché à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST) de la FGSE.
Cette thèse de doctorat se concentre sur la convergence de deux domaines de recherche principaux – l’écologie industrielle (EI) et les systèmes de support-vie (SSV) –, examinée dans le contexte du développement des écosystèmes clos artificiels (ECA). Un ECA est un écosystème simplifié et miniaturisé fonctionnant en circuit fermé. Il utilise des organismes biologiques (bactéries, microalgues, plantes, animaux, etc.) pour régénérer l’air, l’eau et la nourriture afin d’atteindre une autosuffisance complète. Un ECA reproduit et raccourcit les boucles de recyclage des nutriments et des ressources qui surviennent sur Terre. Les SSV sont des ECA avec équipage, conçus pour assurer à ses habitants la santé, la sécurité et le confort minimal dans des environnements extrêmes pour qu’ils puissent survivre en autonomie dans des habitats confinés et isolés durant des périodes prolongées. La succession des compartiments de support-vie (bioréacteurs, chambres de croissance de plantes, etc.) doit répondre aux besoins de l’homme et régénérer de manière ininterrompue des déchets organiques tels que le dioxyde de carbone expiré, l’urine, les excréments et les parties non comestibles des plantes, respectivement en atmosphère respirable, eau potable et biomasse comestible. Les SSV avancés ou ECA spatiaux sont nécessaires pour la survie de l’homme évoluant au sein d’habitats spatiaux durant des périodes prolongées, lorsqu’un réapprovisionnement depuis la Terre n’est logistiquement plus possible ou devient trop coûteux.
La première partie de cette thèse vise à clarifier le potentiel, la pertinence et l’intérêt de la recherche sur les ECA afin de consolider les fondements conceptuels de l’EI. Des concepts clés pour l’analyse de l’ECA sont proposés, portant sur les interactions basées sur les symbioses, la cyclisation, la biodiversité, la compartimentation, la reproduction et l’évolution. Dans une société en expansion et un monde où certaines ressources sont devenues limitées, les ECA sont considérés comme des outils pertinents pour la maturation des écosystèmes industriels. Lorsqu’il fonctionne dans les conditions radicales de l’espace, un ECA spatial peut être envisagé comme un modèle d’écosystèmes industriels soumis à des contraintes extrêmes. Dans l’ensemble, cette étude démontre que le développement d’ECA représente un excellent compromis et offre un potentiel inexploité pour développer davantage la base théorique de l’EI.
La deuxième partie se concentre sur les moyens possibles de fertilisation croisée des dimensions terrestres et spatiales du développement des SSV. Elle montre comment un démonstrateur grandeur nature d’ECA, doté d’un équipage et destiné à préparer l’exploration planétaire habitée dans les conditions les plus réalistes, peut avoir un effet de levier et intensifier le développement de SSV en établissant des synergies de recherche à l’interface de ses dimensions terrestres et spatiales. Cette thèse fournit diverses études de cas liées au projet MELiSSA de l’Agence spatiale européenne sur les systèmes circulaires, et à la start-up suisse Earth Space Technical Ecosystem Enterprises SA (ESTEE) qui développe des composants, prototypes et applications basés sur les ECA.
La troisième partie de ce travail aborde les contributions du développement des ECA à l’opérationnalisation de l’EI. Elle analyse le potentiel des ECA pour le création d’habitats autosuffisants sur Terre et pour la mise en œuvre de la durabilité terrestre. Les applications terrestres relatives aux ECA comprennent la valorisation des déchets et la récupération des ressources combinées à la production locale de nourriture, la mesure des expositions (y compris les aliments, les médicaments, les micropolluants, etc.) et l’analyse de leurs effets sur la santé et l’environnement, par exemple pour le contrôle de la qualité de l’air intérieur, la surveillance de la santé à domicile et la téléassistance, ainsi que le maintien du bien-être des occupants d’un habitat. Dans le contexte de l’émergence du New Space, cette thèse met également en lumière que la prochaine frontière pour la durabilité est l’espace et considère les moyens possibles d’envisager la durabilité à l’échelle cosmique.
Les ECA et SSV sont des révélateurs des bénéfices de la bioinspiration. Ils ouvrent de nouvelles voies pour le contrôle et la régulation des écosystèmes débouchant sur de nouvelles facettes d’interprétation de la nature, et pour l’amélioration de la santé au sein d’habitat clos. La réalisation des ambitions liées au développement d’ECA dépendra du dialogue ouvert et constructif entre la médecine, la biologie, les sciences humaines et environnementales, facilité par l’ingénierie et la digitalisation.
Même si des missions spatiales habitées de longue durée et distance ne devaient pas être réalisées, la recherche sur les ECA spatiaux hyper efficients vaut la peine d’être menée, non seulement en raison des contraintes croissantes sur Terre, mais aussi du fait de leur potentiel pour la gestion durable des ressources sur Terre. Cette recherche anticipe que les composants d’ECA seront développés dans tous les cas pour leur pertinence en termes de durabilité terrestre, et leur application commerciale dans la vie quotidienne.
Comme le démontre cette thèse, la recherche sur les ECA et les SSV offre un excellent instrument pour forger un avenir durable, en élaborant des écosystèmes industriels davantage fermés, et plus durables face à la diminution des approvisionnements en matières premières et aux problèmes croissants liés à la gestion des déchets et à la pollution. Par conséquent, les synergies de la R&D terrestre et spatiale sur les ECA et les SSV peuvent accélérer la mise en œuvre de la durabilité, dans la perspective de l’EI.