Thèse soutenue par Silvia Wojczewski, le 30 août 2021, Institut de géographie et durabilité (IGD)
Ce travail explore la construction d’identités diasporiques africaines des femmes issues de classe moyenne, nées et socialisées à Francfort, en Allemagne. Il aborde ce thème en considérant les pratiques de voyage, de soins, d’activisme et de narration et en explorant différentes échelles spatiales : locale (Francfort), nationale (Allemagne) et mondiale.
Avec des méthodes ethnographiques d’observation participante, d’analyse des récits de vie et d’ethnographie de famille, employées lors d’un travail de terrain réalisé en 2017 et 2018, l’étude interroge la vie de cinq femmes afrodescendantes, faisant partie de la deuxième génération d’enfants né d’un parent migrant. L’auteure, élevée dans les mêmes quartiers de Francfort que ses participantes, présente une connaissance intime des contextes d’étude et un accès privilégié aux interlocutrices de l’étude. La formation d’identifications diasporiques est étudiée par le biais de la parenté à deux niveaux:
- la formation individuelle et intime de l’identité diasporique en s’engageant dans une vie et une histoire familiale transnationale, y compris les voyages vers les « origines »,
- la création collective de la diaspora et de la « famille choisie » par le biais de coalitions dans les communautés politiques (féministes) noires.
L’étude est structurée en trois dimensions.
La première s’appuie sur des données bibliographiques et une analyse historique qui situent l’étude de cas dans le contexte plus général, depuis le début du vingtième siècle, de la diaspora africaine en Allemagne et à Francfort.
La deuxième, qui s’appuie sur des récits de vie et des observations participantes, explore les relations entre habiter et voyage. Elle analyse les expériences ainsi que les stratégies et les pratiques appliquées, sur une période de plus de 30 ans, par les femmes pour former une identité Afrodiasporique. Il s’agit de la recherche d’une identification dans la production culturelle noire américaine lors de l’adolescence à Francfort, de l’engagement actif dans l’activisme antiraciste, de l’éducation et la littérature antiracistes pour elles-mêmes et leurs enfants ainsi que de l’effort de construire une relation positive avec les lieux d’origine ancestrale en tant que femmes adultes.
La troisième dimension concerne le voyage comme pratique de construction d’identité afrodiasporique. L’expérience vécue de la mobilité est particulièrement importante pour la construction de relations de parenté transnationales et de communautés diasporiques.
Ces voyages vont d’un séjour de trois semaines pour rencontrer des membres de la famille (inconnus jusqu’alors) à une année de stage à l’étranger. Ces voyages diasporiques diffèrent à la fois du tourisme de racines et de visites familiales transnationales. La création de liens de parenté n’est qu’une des nombreuses motivations qui animent les femmes. La possibilité d’apprendre et de mettre en pratique certaines dimensions de leur vie, d’incarner l’identité afrodiasporique dans des lieux qu’elles considèrent comme des origines, ainsi que le souhait de se connecter à des communautés (politiques) noires transnationales motivent également ces mobilités. Le voyage change les perspectives sur les récits identitaires et permet aux sujets de construire de nouvelles formes de relations, de réseaux et d’actions. Enfin, l’étude analyse les récits de passage à l’âge adulte et les récits de voyage en tant que récits de soi.
Par ses résultats, l’étude contribue à des discussions théoriques plus larges sur les relations entre pratique diasporique et conscience générationnelle; entre la classe, le genre et les expériences de racisme/racialisation en Allemagne ; et entre la pratique du voyage et la renégociation de la parenté.