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En vue de faire du stockage du CO2 dans des réservoirs géologiques souterrains une alternative sûre et durable, en utilisant des techniques géophysiques, le Dr Santiago Solazzi dirige la participation de l’UNIL à un réseau de grande envergure. Son nouveau projet européen DISCO2STORE « Discontinuities in CO2 Storage Reservoirs », qui durera 4 ans, débute en février 2021. Il implique aussi activement les Prof. Klaus Holliger et Dr Nicolas Barbosa de l’Institut des sciences de la Terre.
Qu’est-ce qu’un projet Marie Curie RISE ?
L’instrument de financement Research and Innovation Staff Exchange – RISE est l’une des actions européennes Marie Curie. Par l’échange de personnels, elle vise à générer des collaborations internationales entre les universités et les entreprises et à promouvoir le partage réciproque des connaissances et des idées entre la recherche et le marché. L’idée derrière ces échanges : promouvoir la créativité et l’esprit d’entreprise, en aidant à transformer les idées en produits ou services innovants. Ce transfert de connaissances est nécessaire pour relever les défis mondiaux, le changement climatique étant sans aucun doute l’un des plus cruciaux.
Quel est l’objectif principal de DISCO2STORE?
Nous sommes tous conscients que des milliards de tonnes de CO2 sont produites chaque année par l’activité humaine. Cette énorme quantité de CO2 est principalement libérée dans l’atmosphère, ce qui augmente l’effet de serre naturel et, par conséquent, contribue au réchauffement climatique. Le stockage souterrain du CO2 est une option immédiate pour réduire la quantité de ce gaz à effet de serre libéré dans l’atmosphère.
En termes simples, les opérations de stockage et de séquestration du CO2 proposent de réinjecter le CO2 dans la terre, dans des réservoirs géologiques qui contiennent de l’eau salée (à des milliers de mètres sous terre). Naturellement, si nous souhaitons développer et appliquer cette technologie largement dans le monde, nous devons pouvoir assurer le maintien du CO2 dans le sous-sol. Cette tâche ne peut être accomplie que par une compréhension approfondie du réservoir géologique et le développement de méthodologies permettant de suivre avec précision les mouvements et les estimations de volume de CO2. Dans ces opérations, le CO2 injecté est piégé dans la formation par divers processus, mais en général, nous avons besoin d’une roche couverture, c’est-à-dire d’une roche relativement imperméable qui forme une barrière au-dessus de la roche réservoir afin que les fluides ne puissent pas refluer à la surface. Or, nous savons que les principaux risques de fuites sont associés aux discontinuités du réservoir ou de la roche couverture, comme la présence de failles et de fractures. Notre objectif est de développer de nouvelles techniques pour identifier les discontinuités mécaniques dans le sous-sol, les caractériser et évaluer leur impact dans le stockage du CO2. Notre but étant d’étudier les discontinuités dans les réservoirs de stockage du CO2, le projet s’appelle DISCO2STORE, un nom que j’aime bien pour son esprit un peu festif…
Comment ce projet RISE a-t-il émergé ?
Ce projet a débuté par une série de conversations entre chercheurs concernant les discontinuités dans les réservoirs. Les principales questions que le projet DISCO2STORE vise à aborder nécessitent une approche intersectorielle et l’utilisation de différents laboratoires, installations de calcul et le savoir-faire de divers groupes. L’action Marie Curie RISE offre cette possibilité de construire des passerelles pour créer de nouveaux réseaux et une formation innovante à la recherche pour les jeunes scientifiques.
Quels sont les principaux acteurs impliqués et que vont-ils apporter au projet ?
Les institutions publiques et privées de R&D sont les principaux acteurs impliqués dans le projet. Selon moi, le monde universitaire se concentre principalement sur la création de nouvelles connaissances, c’est-à-dire une meilleure compréhension du monde ; et les entreprises privées sont principalement concernées quant à elles par la résolution pratique de problèmes complexes et la création de nouvelles applications, avec une technologie de pointe. Or, nous avons besoin des deux pour progresser et résoudre les défis de plus en plus complexes d’aujourd’hui.
Par exemple, notre groupe à l’Institut des sciences de la Terre essaie de mieux comprendre comment détecter les fractures et le contenu en fluide des roches en utilisant les ondes sismiques. C’est-à-dire, que l’on envoie des ondes à travers la roche et l’on interprète ensuite les informations contenues dans les réflexions et les réfractions (comme un écho-Doppler médical, mais à d’autres échelles et fréquences). Cette méthode a l’avantage d’être non invasive : nous ne forons pas pour obtenir l’information. Il est important de détecter les régions fracturées du réservoir géologique où le CO2 va être stocké, car les fractures affectent la perméabilité.
Nous allons aussi vérifier expérimentalement certaines théories intéressantes qui permettraient de détecter des fractures assez petites, en dessous du niveau de résolution des ondes sismiques. L’on pourrait ainsi obtenir des informations à partir d’une image de caractéristiques plus petites que le pixel de l’image. Ce serait génial ! Ce travail sera la mission de notre groupe à l’UNIL, de la CNEA et de l’Y-TEC (Argentine) et de la SINTEF (Norvège) – des institutions de R&D publiques et privées. Ce n’est là qu’un exemple du travail plus global qui sera effectué dans le cadre de ce projet RISE, bien entendu.
Quel sera le principal défi de ce projet et quels sont vos atouts pour le surmonter ?
Notre défi est de comprendre comment utiliser les informations géophysiques et géologiques, pour rendre le stockage du CO2 plus sûr et viable en tant qu’alternative à long terme. Cela peut se faire en développant des stratégies pour mieux caractériser les formations avant les opérations d’injection ou en trouvant les moyens de mieux surveiller l’évolution des fluides.
Cependant, sur un plan personnel, je pense que le principal défi est de pouvoir sortir de notre zone de confort, et de réussir à amener les modèles numériques en laboratoire, de l’Université vers l’industrie, et d’utiliser ces fertilisations réciproques pour développer une nouvelle compréhension des processus. Construire ces passerelles est pour moi une motivation de longue date, et les connaissances et l’expérience acquises au cours de mon doctorat et de mon post-doctorat sont certainement des atouts importants. Toutefois, je dirais que mon atout le plus important est notre groupe de recherche, c’est-à-dire les personnes avec lesquelles je travaille dans ce projet. La science est une construction collective, et les projets RISE de Marie Curie sont basés sur ce principe.
En quoi ce projet est-il important pour vous ?
C’est une excellente occasion d’essayer de répondre à certaines questions que je me suis toujours posées sur la détection sismique des fractures et des fluides. Nous sommes ambitieux dans nos objectifs, et c’est plutôt exigeant, mais aussi profondément motivant. Par exemple, nous prévoyons d’imprimer ici à l’UNIL des échantillons en 3D qui imitent les roches fracturées et de les emmener en Norvège pour en mesurer les propriétés mécaniques. Dans ce processus, des scientifiques argentins se joindront à nous pour effectuer des mesures et apprendre à utiliser le dispositif de mesure, avec l’idée de reproduire l’appareil dans leurs installations. Je dirigerai une partie importante de la recherche, principalement la partie de caractérisation sismique, et la gestion d’un projet comme celui-ci est une tâche profondément formatrice. Enfin et surtout, nous souhaitons établir des liens nouveaux et durables entre l’UNIL et d’autres institutions.