Les régions polaires, et notamment l’Océan Austral jouent un rôle prépondérant dans les échanges gazeux entre l’océan et l’atmosphère. Ces régions, caractérisées par un fort brassage à cause de vents tempétueux persistants (les fameux 50e hurlants), laissent les eaux océaniques de profondeur (riches en CO2) remonter vers la surface de l’océan, qui entrent ainsi en contact avec l’atmosphère.
Une série d’études récentes auxquelles a participé Samuel Jaccard (Professeur associé à l’Institut des sciences de la Terre) a retracé l’évolution du brassage entre eaux profondes et eaux de surface dans l’Océan Austral sur la base de carottes sédimentaires marines récoltées à plus de 2 km de profondeur dans le Sud de l’Océan Indien. Ces archives sédimentaires, longues de plusieurs dizaines de mètres, ont été récoltées en 2011 dans le cadre d’une mission du navire de recherche océanographique français, le Marion Dufresne.
Les analyses géochimiques montrent que les eaux profondes de l’Océan Austral contenaient davantage de CO2 dissous lors du dernier âge glaciaire, il y a de cela 20’000 ans. En outre, une forte diminution du brassage océanique lors de cette période a également permis de diminuer le transfert de CO2 de l’océan profond vers l’atmosphère. En réduisant ainsi la quantité de CO2 s’échappant des océans vers l’atmosphère, ce phénomène a contribué à atténuer l’effet de serre, induisant par conséquent une période glaciaire prolongée.
Lorsque le climat global s’est réchauffé à la fin de la dernière glaciation, de grandes quantités de CO2 ont été libérées des profondeurs abyssales des océans vers l’atmosphère, favorisées en cela par un renforcement du brassage océanique. L’augmentation rapide des concentrations de CO2 atmosphérique a ainsi contribué au réchauffement global, accélérant ainsi la déglaciation. Ces résultats démontrent que la région Antarctique joue un rôle crucial dans les phases de changement climatique.
Ce phénomène est d’une importance capitale pour une meilleure compréhension de la situation actuelle de réchauffement climatique. En effet, les scientifiques observent depuis quelques décennies une intensification des vents d’ouest, en réponse au réchauffement lié à nos activités industrielles, favorisant le brassage et donc le relâchement de CO2 océanique dans l’atmosphère.
A terme, ce phénomène pourrait renforcer les effets du réchauffement planétaire. Cela dit, cette tendance pourrait être compensée par d’autre facteurs, notamment celui de l’augmentation des précipitations et à terme de la fonte de la calotte glaciaire du continent Antarctique. Les effets à long terme de ces phénomènes restent incertains et des simulations du climat sont dès lors nécessaires afin de mieux comprendre l’évolution de la dynamique de la circulation océanique de l’Océan Austral dans le futur.
Pour aller plus loin
- What caused the ice ages? Tiny ocean fossils offer key evidence, Princeton University, Dec. 10, 2020
- Julia Gottschalk, Elisabeth Michel, Lena M. Thöle, Anja S. Studer, Adam P. Hasenfratz, Nicole Schmid, Martin Butzin, Alain Mazaud, Alfredo Martínez-García, Sönke Szidat & Samuel L. Jaccard , Glacial heterogeneity in Southern Ocean carbon storage abated by fast South Indian deglacial carbon release, Nature Communications 11, 6192 (2020)