Bruit sismique : nette diminution sur l’ensemble de la planète due au confinement COVID-19

Le fort ralentissement des activités humaines en raison de la pandémie de COVID-19, qualifié d’«anthropause» ressort d’un article publié dans la prestigieuse revue Science, dont le professeur en géophysique György Hetényi et son doctorant Shiba Subedi en FGSE sont co-auteurs au sein d’une importante équipe internationale. Ils y démontrent que les mesures de confinement visant à lutter contre la propagation du COVID-19 ont entraîné, entre le début et le milieu de l’année 2020, une réduction moyenne de 50% du bruit de fond observé dans le monde entier, une baisse sans précédent.


György Hetényi
professeur associé à l’Institut des sciences de la Terre


Shiba Subedi
doctorant à l’Institut des sciences de la Terre

La période de « silence » de la vibration du sol de 2020 est la plus longue et la plus importante réduction du bruit sismique anthropique jamais enregistrée au niveau mondial. C’est en analysant des séries de données sur plusieurs mois et années, en provenance de plus de 300 stations sismiques disséminées sur le globe terrestre, que cette étude a pu caractériser la réduction du bruit sismique dans de nombreux pays et régions. C’est un véritable phénomène de « vague de calme sismique » que les auteurs de cette étude ont pu constater, ce phénomène se déplaçant à travers la Chine, puis en Italie, et dans le reste du monde au même rythme que la propagation des mesures liées à l’épidémie de COVID-19. Ce « verrouillage » sismique est représentatif de l’effet global des mesures d’éloignement physiques et sociales, ainsi que de la réduction de l’activité économique, industrielle, de la baisse du tourisme et des voyages au niveau mondial. 

Même dans des endroit cachés du monde, ici au Mustang dans le haut Himalaya, l’activité humaine impacte sur la vibration de fond du sol (© Shiba Subedi)

Les sismomètres sont des instruments scientifiques sensibles permettant d’enregistrer les vibrations qui se propagent dans le sous-sol sous forme d’ondes sismiques. En temps normal, la sismologie se concentre surtout sur la mesure des ondes sismiques suivant les tremblements de terre. Les enregistrements sismiques provenant de sources naturelles sont toutefois parasités par les vibrations à haute fréquence (vrombissement) des activités humaines de surface, telles que la marche, les vibrations des véhicules ou des trains qui, ensemble créent toutes des signatures sismiques dans le sous-sol ; l’industrie lourde et les travaux de construction génèrent également des ondes sismiques enregistrées par les sismomètres. 

L’étude mise à l’honneur dans Science a vu le jour après que l’auteur principal, le Dr Thomas Lecocq, ait décidé de partager sa méthode d’analyse avec la communauté sismologique au niveau international. Portée par cet élan, une collaboration inédite est ainsi née avec 76 auteurs issus de 66 institutions dans 27 pays sur tous les continents. 

La baisse du traffic routier, comme dans la ville de Butwal lors de la saison des fêtes religieuses, contribue également à la baisse du bruit ambiant sismique (© Shiba Subedi)

Il existe des milliers de stations de surveillance sismique dans le monde entier, et il a fallu un travail d’équipe d’importance pour télécharger, traiter et analyser l’ensemble des données disponibles. Les données provenaient de réseaux de surveillance sismique de pointe, ainsi que de capteurs sismiques citoyens que les particuliers et les écoles ont installés eux-mêmes, partageant ainsi les données avec une communauté mondiale.

Les plus fortes réductions du bruit sismique ont été constatées dans les zones urbaines, atteignant parfois 80%. Plus surprenant, cette étude a également mis en lumière des signatures de verrouillage sur des capteurs enterrés à des centaines de mètres dans le sol et dans des zones plus éloignées, comme en Afrique subsaharienne.

Niveau de bruit sismique normalisé à huit capteurs sismiques au Népal, et la chute suite aux mesures de confinement (©Thèse de doctorat de Shiba Subedi)

Ce travail de recherche a révélé une forte concordance entre les réductions du bruit sismique et les ensembles de données sur la mobilité humaine, tirées des applications cartographiques des téléphones mobiles mises à la disposition du public par Google et Apple. Cette corrélation est un indicateur précieux de l’activité humaine en temps réel. Il permet d’appréhender les effets du verrouillage et de la reprise des activités en cas de pandémie tout en respectant la vie privée dans les données traitées.

Les effets environnementaux du confinement lié à la pandémie sont vastes et variés, comme notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et la diminution de la circulation et de la pollution sonore ayant un impact sur la faune. Cette période a été baptisée « anthropause ». Cette étude pionnière est une première mondiale sur l’impact de ce phénomène dans le sol sous nos pieds.

La période de « silence » de 2020 en matière de bruit sismique permettra-t-elle de détecter de nouveaux types de signaux ? L’étude montre pour la première fois que les signaux sismiques précédemment voilés, surtout pendant la journée, apparaissent beaucoup plus clairement sur les capteurs sismiques des zones urbaines en période calme. Les auteurs de l’étude espèrent que leurs travaux donneront lieu à d’autres recherches sur le verrouillage sismique. L’un des principaux objectifs sera ainsi par exemple d’identifier des signaux précédemment cachés par les tremblements de terre et les volcans, ce qui pourrait permettre de mieux cerner les risques sismiques à partir de signaux plus clairs.

On relèvera en particulier que le travail effectué dans le cadre du programme d’éducation aux phénomènes et risques sismologiques dans des écoles népalaises, élaboré et mise en œuvre par M. Subedi et le prof. Hetényi s’est révélé fort précieux pour cette étude. Les stations au Népal sont parmi celles qui enregistrent les plus fortes diminutions, notamment due à la fermeture des écoles et la baisse des transports locaux. Sur le diagramme suivant on perçoit également que la date de verrouillage au Népal a été respectée avec beaucoup de discipline.

La fermeture des écoles au Népal, comme ces exemples dans le district de Palpa et de Pokhara, a beaucoup contribué à la baisse de la vibration du sol à des capteurs installés à des fins éducationnelles (© Shiba Subedi)

Avec l’urbanisation croissante et l’augmentation de la population mondiale, de plus en plus de personnes vivent déjà et vivront dans des zones géologiquement dangereuses. Il sera donc plus vital que jamais de caractériser le niveau et les variations des bruits anthropiques afin que les sismologues puissent mieux écouter la Terre, en particulier dans les villes, et surveiller les mouvements du sol sous nos pieds.

Référence bibliographique
  • Thomas Lecocq, Stephen P. Hicks, Koen Van Noten, Kasper van Wijk, Paula Koelemeijer, Raphael S. M. D, & alii, Global quieting of high-frequency seismic noise due to COVID-19 pandemic lockdown measures, Science eabd2438, 2020
    DOI: 10.1126/science.abd2438
Revue de presse

Auteur : CellComDec / Nicolas Bourquin

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