Thèse soutenue par Seraina HUERLEMANN 25 mars 2020, Institut de géographie et durabilité (IGD)
Cette thèse explore les processus de fabrication des lieux touristiques à Lashi Hai, une zone rurale du nord-ouest de la province du Yunnan en Chine. Comme la région est située à proximité de l’une des destinations touristiques nationales les plus importantes de Chine, cette dernière attire de nombreux touristes journaliers qui apprécient la beauté naturelle des zones humides, les promenades à cheval, ainsi que la culture locale.
Les endroits visités par les touristes sont le résultat direct de processus de négociations entre divers acteurs, et ce souvent dans le but de correspondre aux attentes des visiteurs. En effet, le contenu de ces attentes est formé par divers imaginaires touristiques de la région qui sont actuellement perpétrés par l’industrie touristique, les médias officiels ainsi que les réseaux sociaux. Dans le même temps, de multiples stéréotypes, parfois contradictoires, subsistent encore sur cette région frontalière peuplée par des minorités – désignées comme telles par gouvernement central chinois.
Afin de mieux comprendre la construction sociale de ces lieux ainsi que les types de valeurs et d’acteurs sont impliqués, je conceptualise le lieu comme étant une « scène » à travers laquelle des valeurs, des normes et des idées liées à la culture, à l’ethnicité et à l’identité sont constamment négociées et contestées parmi les acteurs. Des discours sont incorporés à différents niveaux par ces acteurs et matérialisés dans leurs actions. Les processus observés sur cette « scène » reflètent en somme des tendances globales, nationales et régionales, renégociées à leur tour par les acteurs présents « sur scène ».
Les chapitres dans cette thèse met en lumière ce processus complexe du « place making » à chaque fois sous un angle différent et à travers une approche théorique permettant d’analyser les enjeux sociaux en question.
Le premier chapitre dévoile les différentes significations et connaissances qui ont été créé autour de cette région ; une perspective historique est mise en place afin de décrire les discours dominants qui persistent encore jusqu’à ce jour sur la région.
Le deuxième chapitre adopte une approche critique des discours sur la patrimonialisation en démontrant à travers les narrations touristiques que ces derniers font partie intégrante d’un projet étatique visant à promouvoir une certaine identité nationale. Par ailleurs cette section révèle également les effets de ces discours lors de la rencontre entre les résidents et les touristes.
Dans le troisième chapitre, mes co-chercheurs me conduisent dans le monde spirituel des résidents de Lashi Hai et on découvre alors comment leur pratique quotidienne a développé une manière distincte de coexister avec des versions officielles, plutôt coercitives de la culture locale.
Le quatrième chapitre adopte une perspective très intime et personnelle sur la manière dont les acteurs individuels négocient des aspects de l’ethnicité dans leur vie quotidienne et les incluent ou les dissimulent dans leur construction d’identité sociale.
Finalement, le dernier chapitre présente les tendances plus récentes en matière de création de lieux touristiques en Chine et montre comment celles-ci sont liées aux processus de modernisation qui concernent également la culture ethnique locale.