Thèse soutenue par Mike ROWLEY le 25 mars 2020, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
Les sols jouent un rôle essentiel dans le cycle global du carbone. C’est pourquoi il est primordial de mieux comprendre les mécanismes qui préservent et accumulent le carbone organique du sol (COS). Jusqu’à présent, les recherches sur la stabilisation du COS se sont concentrées principalement sur les environnements de sols acides, où le COS interagit plus avec l’aluminium (Al) ou le fer (Fe). Les interactions entre le COS et le calcium (Ca) ont été généralement négligées, en particulier dans les sols de milieux frais et tempérés. L’objectif de cette thèse fut donc d’étudier le rôle du Ca dans l’accumulation du COS des sols frais et tempérés d’une vallée subalpine de Suisse, le Vallon de Nant.
Une évaluation de la littérature existante a montré que le Ca pouvait stabiliser le COS par occlusion dans les agrégats ou par sorption sur les surfaces minérales. Les recherches ont ensuite entrepris d’isoler les effets du calcium sur les mécanismes de stabilisation du COS grâce à une approche fondée sur deux parties complémentaires.
Dans une première partie, les effets du carbonate de calcium (CaCO3), réservoir principal de Ca, ont été évalués en tant que facteur agissant sur la trajectoire pédogénétique et la biogéochimie des sols du Vallon de Nant. Afin d’isoler l’influence du CaCO3, six profils ont été sélectionnés. Ces profils se sont développés sous des conditions pédogénétiques similaires, à l’exception de la présence (CaCO3-bearing site) ou de l’absence (CaCO3-free site) de CaCO3. La présence de CaCO3 a conduit à un enchainement de changements dans la biogéochimie du sol, à savoir un pH plus élevé, une teneur en Ca extractible supérieure d’un ordre de grandeur, une proportion plus élevée de formes du Fe crypto-cristallines, et deux fois plus de COS, le tout par rapport à une absence de CaCO3.
Dans la seconde partie de l’étude ont été étudiés les mécanismes contrôlant l’accumulation du COS dans les profils contenant du CaCO3. Afin de séparer le rôle de l’occlusion de celui de la sorption, le COS a été fractionné en quatre fractions par densité et sonification séquentielle (une fraction libre légère, deux fractions occluses et une fraction intimement associée aux minéraux). Le site contenant du CaCO3 était toujours plus riche en matériaux occlus, probablement à cause de la floculation des particules du sol par le Ca échangeable (CaExch) et l’augmentation de la cimentation ou de la stabilité des agrégats du sol en raison du contenu élevé en COS. Pourtant, les fractions libre ou occluses ne représentaient qu’une partie minime du COS. La majorité du COS était présente dans la fraction associée aux minéraux, donc caractérisée par des teneurs en COS proches de celles du sol total. La teneur en COS associée aux minéraux était près de deux fois supérieure dans les profils contenant du CaCO3, comparativement aux profils sans CaCO3. Ce COS avait également des compositions en isotopes stables (13C) différentes entre les deux sites, ce qui présuppose une stabilisation préférentielle du COS lors des associations organo-minérales.
Enfin, cette thèse souligne l’importance du pH en tant que prédicteur de la dominance des mécanismes de stabilisation et d’accumulation du COS.