Vivre dans un habitat sans voitures. Motivations et pratiques des résident·e·s de neuf habitats en Suisse et en Allemagne

Thèse soutenue par Daniel Baehler, le 6 décembre 2019, Institut de géographie et durabilité (IGD)

Les voitures ont de nombreux impacts négatifs sur l’environnement mais aussi sur notre santé et les infrastructures dédiées à la voiture occupent beaucoup de place, ce qui se ressent surtout dans les villes.

En réponse à cette problématique, des habitats sans voitures ont émergé dans différentes villes d’Europe occidentale. Dans ces quartiers, les habitant·e·s s’engagent à vivre sans voiture à long terme. Pour surpasser une société basée sur la voiture, il est important de comprendre pourquoi certains ménages choisissent volontairement de vivre sans voiture et d’emménager dans ces habitats et comment ces ménages sont mobiles.

Cette thèse représente la première étude à grande échelle de résident·e·s d’habitats sans voitures. Elle analyse neuf quartiers, cinq en Suisse (Burgunder à Berne, FAB-A à Bienne, Giesserei à Winterthour, Oberfeld à Ostermundigen et Sihlbogen à Zurich) et quatre en Allemagne (Klein Borstel et Saarlandstraße à Hambourg, Stellwerk60 à Cologne et Weißenburg à Münster). Ils couvrent la diversité d’habitats sans voitures en termes de taille, d’âge, d’emplacements et de types de logements (même si six d’entre eux représentent des formes d’habitat collaboratif, notamment des coopératives). Le profil des ménages, leurs motivations, leurs pratiques, ainsi que leur évaluation de l’espace et du contexte social nécessaire pour vivre sans voiture ont été analysés. Les résultats se basent sur les 500 réponses à un questionnaire qui a été distribué dans la totalité des neuf habitats étudiés, ainsi que sur 50 entretiens menés avec des habitant·e·s dans six quartiers.

Les résultats des analyses démontrent que les habitant·e·s ont des profils particuliers à plusieurs égards. Ils et elles ont souvent un haut niveau de formation et accordent une grande importance à des valeurs éthiques ou altruistes comme le respect de l’environnement ou l’engagement pour autrui.

Presque la moitié des ménages sont des familles. Quasiment tous vivent volontairement sans voiture et cela ne représente pas un sacrifice pour eux. Pour expliquer leur choix, ils évoquent surtout une combinaison de raisons pratiques et personnelles, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas besoin de voiture, utilisent d’autres modes de transport et qu’ils ont également des motivations écologiques. Au contraire, des raisons financières ainsi que de santé ou d’âge n’ont qu’une très faible importance.

Les motivations pour emménager dans un habitat sans voitures sont similaires. Les raisons pratiques telles que l’accès en transports publics ou à vélo sont mises en évidence, mais aussi des aspects sociaux tel que le fait de vivre en communauté, en particulier dans les coopératives.

Quant à la mobilité, il apparaît que les résident·e·s appliquent quatre types de stratégies permettant d’être mobile sans posséder une voiture.

  • Premièrement, les habitant·e·s s’appuient sur des moyens de transports alternatifs, en particulier le vélo (avec remorque, en tant que vélo-cargo ou avec assistance électrique), les transports publics et la marche.
  • Deuxièmement, ils et elles recourent à des services de mobilité, comme des taxis et des services de livraisons, mais aussi à l’utilisation ponctuelle d’une voiture partagée. De plus, la numérisation facilite la vie sans voiture, particulièrement les applications pour smartphones qui permettent l’accès à de nombreuses formes de mobilité et facilitent leur usage.
  • Troisièmement, les résident·e·s favorisent l’accessibilité sans voiture, et donc, pour leurs activités quotidiennes, souvent la proximité.
  • Quatrièmement, la communauté d’habitant ·e·s apparait également comme un facteur important.

Au niveau pratique, l’aide de voisinage et les activités communes dans l’habitat facilitent le fait de vivre sans voiture. De plus, l’esprit de communauté encourage aussi les habitant·e·s et « normalise » cette manière de vivre.

Malgré des tendances générales clairement définies concernant les motivations et les pratiques, une diversité d’habitant·e·s existe. Sur la base des valeurs et des motivations des habitant·e·s à vivre sans voiture ainsi que de leurs pratiques de mobilité, six types de modes de vie ressortent de l’analyse : les cyclistes écologiques, pragmatiques ou utilitaristes ainsi que les multimodaux écologiques, pragmatiques ou utilitaristes.

Enfin, un contexte spatial et social spécifique est également nécessaire pour vivre sans voiture. D’une part, des infrastructures de transports alternatifs à la voiture sont essentielles, mais aussi d’autres offres et aménagements comme des magasins d’alimentation ou des espaces dédiés aux activités communes dans l’habitat. D’autre part, un contexte social qui permet d’envisager de vivre sans voiture et qui n’exclut pas cette manière de vivre est également nécessaire.

En résumé, un système de mobilité sans voiture doit être mis en place pour surmonter l’automobilité. Il consiste en stratégies individuelles variées, mais aussi en un contexte spatial et social permettant de vivre sans voiture.

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