Thèse soutenue par Aline Buri, le 5 septembre 2019, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
La complexité des effets des changements globaux sur les écosystèmes requière une approche interdisciplinaire et systémique indispensable à l’appréhension des multiples changements auxquels nous sommes confrontés.
À cet égard, les modèles prédictifs de distribution (MPD) des espèces végétales, servant à établir des liens entre les observations des individus et les conditions environnementales, constituent un instrument performant. Ils permettent de prévoir la distribution spatiale des espèces végétales et d’estimer l’évolution de cette distribution en fonction de différents scénarios de changement climatique.
Cependant, le développement des MPD repose sur le concept de niche environnementale qui implique une prise en compte simultanée de nombreux facteurs environnementaux pour assurer la prédiction de la répartition des espèces végétales. Les facteurs climatiques et topographiques sont régulièrement intégrés dans ce type de modélisation, alors que les facteurs liés au sol sont souvent négligés, malgré les nombreuses recherches démontrant l’influence des propriétés du sol sur la croissance et la distribution des plantes.
La faible prise en compte du sol et de ses caractéristiques dans les MDP, est principalement liée à un manque d’informations spatiales disponibles sur les sols, ainsi que l’absence d’études comparatives. Ceci n’a pas seulement pour effet d’affaiblir la qualité des MDP des plantes, mais se répercute plus largement sur notre compréhension du lien entre le sol et la végétation et de son évolution dans le contexte des changements globaux auxquels nous faisons face. Il est donc essentiel d’améliorer notre compréhension des variations spatiales et temporelles des propriétés du sol et de la végétation ainsi que du lien qui existe entre eux, pour pouvoir assurer un maintien et une gestion optimale de l’interface pédosphère-atmosphère.
Cette thèse vise à identifier, dans les Préalpes vaudoises, les facteurs de sol cruciaux pour la distribution des plantes alpines, et à déterminer lesquels contribuent à une amélioration du pouvoir prédictif des MDP des espèces végétales. Différentes techniques de modélisation spatiale ont été expérimentées dans l’objectif de sélectionner les plus performantes dans la cartographie des propriétés clés des sols. Les variations spatiales et temporelles du sol, de la végétation et de leur interrelation ont pu être analysées, en réétudiant des données récoltées il y a plus de 40 ans dans la région d’étude.
Les travaux réalisés ont permis de démontrés que les variables géochimiques (p. ex. CaO, pH ou teneur en carbone inorganique), les variables liées à l’eau (c.-à-d. la teneur en eau du sol ou la capacité de rétention en eau du sol) et enfin la variable reflétant l’habitat biotique (c.-à-d. δ13Csom) améliorent les capacités prévisionnelles des modèles de la grande majorité des espèces végétales habitant les Préalpes suisses. De plus, l’efficacité des approches prédictives pour la cartographie numérique des sols a pu être évaluée. La méthode des a notamment permis de surmonter le défi de la réalisation de cartes pour des variables de sol difficiles à mesurer. Finalement, une absence de relation temporelle entre l’évolution des systèmes végétaux et pédologiques a pu être établie.
En effet, les recherches menées ont permis d’observer des réactions variables du sol et de la végétation aux différents facteurs du changement climatique, mettant ainsi en lumière un découplage partiel potentiel entre ces deux composantes de l’écosystème. De manière générale, cette thèse a révélé que le système pédologique est important pour capturer la niche d’une espèce et que des mesures de sol relativement basiques peuvent contribuer à améliorer les modélisations de la distribution des espèces végétales.
De plus, ce travail a également permis d’illustrer dans quelle mesure l’interface sol-végétation est un système particulièrement critique et complexe dont l’aperçu n’est que partiel si l’échantillonnage n’est réalisé qu’à un moment précis. Pour conclure, ce travail souligne les enjeux d’une compréhension globale de toutes les caractéristiques de l’interface sol-végétation pour cerner efficacement l’évolution future des écosystèmes et être en mesure d’établir des programmes de conservation efficaces.