Les sols sont vivants ; on estime qu’ils contiennent au moins un quart de la biodiversité globale et renferment sous forme de matière organique plus de carbone que la biosphère et l’atmosphère réunies ! Soit environ 1’500 millions de tonnes.
La plupart des études sur la composante organique des sols se focalisent sur les premiers centimètres du sol qui concentrent l’essentiel de la biomasse. Mais qu’en est-il des couches plus profondes, où les traces de la vie se font plus subtiles ? Des chercheurs de l’Université de Lausanne et de l’Université de Colombie Britannique mènent des études sur une variété de sols alpins, tempérés et tropicaux pour déterminer la contribution des horizons dits minéraux, généralement présents à des profondeurs de 20 cm à 1 m, au stockage de la matière organique.
Les résultats montrent que plus de 60% du carbone organique des sols se trouve à des profondeurs supérieures à 20 cm et que ce stock de carbone demeure réactif et vulnérable vis-à-vis des perturbations environnementales, comme celles engendrées par la coupe forestière ou l’établissement de pâturages.
Dans un article récemment publié dans la revue Geoderma, la docteure Magalì Matteodo a de plus démontré que la dynamique de la matière organique est très différente entre les couches superficielles et plus profondes des sols. Alors que les facteurs biologiques et biochimiques sont prépondérants en surface, l’influence de la géologie devient dominante dans les horizons minéraux. Cette étude montre que les paramètres géologiques (minéralogie, géochimie et taille des particules) influencent fortement la dynamique de la matière organique et la fonction de puit de carbone des sols. Une meilleure prise en compte de la géologie dans les modèles représentant le cycle du carbone dans les sols est nécessaire pour pouvoir prédire l’évolution des stocks terrestres de carbone organique et leurs interactions avec l’atmosphère et le réchauffement climatique.Enfin, au-delà du premier mètre des sols, la vie est toujours présente ; il a été observé que certaines plantes pouvaient s’enraciner à une profondeur allant jusqu’à 10 m, et de récentes études de géobiologie ont montré que la vie microbienne pouvait exister à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres sous la surface ou même plus dans des conditions particulières. Des recherches supplémentaires sont nécessaires afin de comprendre le comportement de ce réservoir biologique profond.
Pour plus d’information
Dre Stephanie Grand
stephanie.grand@unil.ch
Références
- Matteodo M., Grand S., Sebag D., Rowley M.C., Vittoz P. & Verrechia E.P. (2018). Decoupling of topsoil and subsoil controls on organic matter dynamics in the Swiss Alps. Geoderma 330: 41-51.
- Grand S., Lavkulich L.M. (2012) Effects of forest harvest on soil carbon and related variables in Canadian Spodosols. Soil Science Society of America Journal 76: 1816-1827.
- Grand S., Lavkulich L.M. (2011) Depth distribution and predictors of soil organic carbon in Podzols of a forested watershed in southwestern Canada. Soil Science 176: 164-174.