Une analyse des inégalités environnementales dans une ville moyenne d’Afrique subsaharienne
Thèse soutenue par Rolande Christelle Tardy-Makamte Kakeu, le 8 octobre 2018, Institut de géographie et durabilité (IGD)
Des inégalités sociales face à la gestion de l’environnement urbain sont de plus en plus marquées dans le monde en développement dont l’Afrique subsaharienne. Confrontées à la production croissante des déchets solides et à la pollution engendrée, la plupart des villes africaines connaissent depuis quelques décennies des changements dans les systèmes de gouvernance, engageant notamment le secteur privé dans le service de propreté urbaine. Cette thèse cherche à comprendre comment les inégalités environnementales se construisent en milieu urbain autour de la collecte, du transport, et de la mise en décharge des déchets solides municipaux dans le cadre d’un partenariat public-privé.
La présente recherche combine différentes approches théoriques et méthodologiques associées aux questions d’inégalités et de justice environnementales en ville, en s’inspirant du champ de réflexion plus large de la urban political ecology. Elle permet ainsi d’examiner les facteurs de production des inégalités environnementales à travers des liens de pouvoir et de politique entre institutions et acteurs de déchets. Plus précisément, elle analyse les causes du rendu partiel du service de propreté urbaine dans les quartiers planifiés et non planifiés de Bafoussam, ville moyenne et capitale régionale de l’ouest Cameroun.
Des méthodes quantitatives et surtout qualitatives, y compris l’observation participante, mobilisées dans l’étude permettent d’interroger la société urbaine, mais aussi les pouvoirs publics et privés, ainsi que les pratiques quotidiennes d’une complexité d’acteurs et de secteurs formels et informels dans leurs itinéraires et espaces urbains respectifs autour d’une ressource à la fois disputée et rejetée. La thèse s’appuie sur plusieurs enquêtes de terrain effectuées sur environ huit mois entre 2014 et 2016 auprès de différents acteurs de la gestion des déchets, notamment la société privée HYSACAM (Hygiène et Salubrité du Cameroun) dans la ville de Bafoussam.
Les résultats indiquent que le circuit des déchets (du point de production à la mise en décharge, y compris les espaces de collecte et de transport) traduit diverses formes d’inégalités liées à l’accès au service de propreté urbaine, aux pratiques de collecte, mais aussi à l’exposition de certains groupes d’habitants à la pollution de la décharge municipale.
Les processus d’urbanisation et de la fragmentation urbaine entrainent des inégalités variées selon le cadre socioéconomique, institutionnel et politique qui entoure les nombreux acteurs de la chaîne de gestion de déchets. Ces inégalités sont pacifiquement combattues par les urbains dont les habitants du quartier de la décharge municipale.
La thèse soutient que l’analyse de la gestion des déchets solides municipaux sous l’intervention d’un partenariat public-privé dans les espaces de la ville intermédiaire d’Afrique subsaharienne ne rend pas exclusivement compte d’une formule salvatrice de l’amélioration de la qualité de l’environnement urbain, mais permet de retracer les moments de production des inégalités environnementales en milieu urbain.