L’une des plus grandes crises écologiques qu’a connu notre Terre a peut-être eu une toute autre cause que les autres extinctions ayant affecté la vie animale ; c’est ce que démontre une publication d’une équipe de chercheurs des universités de Lausanne et Genève parue dans le journal Scientific Reports.
L’extinction de masse du Dévonien a en effet eu lieu il y a environ 370 millions d’années, à peu près en même temps que l’apparition des premiers vertébrés terrestres et des premières forêts. Cette extinction a été l’une des plus grandes de l’histoire de la Terre, dont les récifs coralliens et les invertébrés marins ont été les principales victimes. Cependant, contrairement à la très célèbre extinction des dinosaures qui est largement corrélée avec un impact d’astéroïde il y a 66 millions d’années, la cause de l’extinction du Dévonien reste en grande partie inconnue.
Bien que des impacts d’astéroïdes soient identifiés depuis le Dévonien, des éruptions volcaniques conséquentes pourrait également avoir été responsables de cette importante réorganisation/crise écologique. L’émission de gaz volcaniques (par exemple le CO2) pourrait en effet avoir causé des changements climatiques extrêmes, entrainant une augmentation de l’altération et de l’érosion, conduisant ainsi à un apport excessif de nutriments dans les océans et à une prolifération algaire. Ces processus auraient ensuite eux-mêmes provoqué la désoxygénation de l’eau de mer et l’asphyxie de nombreux animaux marins.
L’enjeu de ce débat est de dater le plus précisément possible cette extinction afin de pouvoir la corréler avec les différents impacts d’astéroïdes connus du Dévonien et avec les éruptions volcaniques. Des chercheurs des universités de Lausanne et Genève, en collaboration avec des collègues des universités de Bremen (Allemagne) et Liège (Belgique), sont parvenus à établir une date précise pour cette extinction. Cette équipe a en effet recueilli une couche de cendres volcaniques au sein de roches sédimentaires enregistrant l’extinction, contenant des zircons en abondance. Ces derniers, composés de minuscules quantités d’uranium – un élément radioactif qui se désintègre en plomb à un taux connu au fil du temps – ont permis de déterminer son âge avec une grande précision par rapport aux échelles de temps habituelles.
L’analyse de ces zircons a ainsi permis aux chercheurs d’identifier la date de l’extinction à 371,86 millions d’années – un âge que l’on peut qualifier d’extrêmement précis par rapport à toutes les estimations précédentes. Autre fait intéressant, cette période ne correspond à aucun des âges des astéroïdes connus du Dévonien ni à une éruption volcanique enregistrée! Alors que l’existence d’un nouvel impact d’astéroïde ou d’un événement volcanique majeur peuvent toujours être découverts, il est également possible qu’ils ne soient pas liés à l’extinction, et que l’événement Dévonien ait été déclenché par des processus profondément différents de ceux qui ont mené plus tard aux autres extinctions de masse, notamment comme celle qui a causé la fin de l’ère des dinosaures.
Le Dr Lawrence Percival, auteur principal et chercheur en géochimie à l’Université de Lausanne (Institut des sciences de la Terre), conclut :
« cette datation précise de l’extinction du Dévonien donne une nouvelle base afin de mieux comprendre les événements ayant eu lieu en même temps que cet événement et qui ont pu mener à cette catastrophe écologique. »
Référence bibliographique
- L. M. E. Percival, J. H. F. L. Davies, U. Schaltegger, D. De Vleeschouwer, A.-C. Da Silva & K. B. Föllmi, Precisely dating the Frasnian–Famennian boundary: implications for the cause of the Late Devonian mass extinction, Scientific Reports volume 8, Article number: 9578 (2018).