Rafraichissez vos connaissances en météorologie avec la chronique de Jean-Michel Fallot, géographe, MER à l’Institut de géographie et durabilité et spécialiste du climat. Régulièrement, M. Fallot fait un point synthétique sur le temps en Suisse, sur les tendances climatiques, saisonnières et sur l’histoire de la météo dans notre pays, sur inspiration de données de MétéoSuisse.
Si la valeur est confirmée et homologuée par MétéoSuisse, un nouveau record de pluie intense pour la Suisse a été mesuré mardi 12 juin à Lausanne (près du CHUV) lors d’un orage diluvien avec 41 mm en 10 minutes (et 52 mm en 30 minutes). Le précédent record de 36.1 mm datait de l’année passée (2.08.2017) à Eschenz (TG) près du lac Inférieur et l’avant-dernier record de 34.1 mm de 2 ans (29.05.2016) à Torricella dans le Sud du Tessin.
Une hauteur d’eau de 41 mm en 10 minutes représente respectivement 37% et 75% d’un mois de pluie normal en juin à Lausanne et Sion (moyenne 1981-2010). Cette hauteur d’eau de 41 mm est 2 fois plus élevée que le précédent record de pluie mesuré en 10 minutes dans la région lausannoise (20.2 mm le 9 septembre 1988 à Pully) depuis le début des mesures automatiques en 1981. On comprend mieux les gros dégâts provoqués par cet orage cette nuit à Lausanne.
Ce record de 41 mm de pluie en 10 minutes à Lausanne et le précédent de 36.1 mm à Eschenz sont d’autant plus remarquables qu’ils se sont produits lors d’un orage nocturne, alors que l’instabilité de l’air et le potentiel de convection pour les cumulonimbus (nuages d’orage) sont les plus élevés durant l’après-midi quand le soleil chauffe fortement le sol et que les températures de l’air atteignent leurs valeurs maximales. Les gens intéressés trouveront une analyse plus détaillée de cet événement exceptionnel sur le site de MétéoSuisse.
Cette analyse indique notamment que les orages sont quasiment quotidiens en Suisse depuis mi-mai 2018 consécutivement à la présence d’un marais barométrique et d’une dépression en altitude (une fameuse « goutte froide ») sur l’Espagne ou le golfe de Gascogne qui favorise un afflux d’air chaud et humide depuis la Méditerranée particulièrement propice au développement de nuages de convection (cumulonimbus). Une telle situation aurait été encore plus explosive en automne avec une Mer Méditerranée plus chaude favorable à une évaporation encore plus importante et à davantage de vapeur d’eau dans l’atmosphère.
Comme vous le savez, un air chaud peut emmagasiner plus de vapeur d’eau qu’un air froid. Ainsi, un air à 21°C peut contenir environ 6% plus de vapeur d’eau qu’un air à 20°C avant de devenir saturé. De même, un air à 11°C peut emmagasiner environ 8% plus de vapeur d’eau qu’un air à 10°C. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le changement climatique favorise une augmentation des précipitations extrêmes dans de nombreuses régions du monde. En outre, les réseaux de mesures sont de plus en plus nombreux et performants pour mesurer des records météorologiques.
Pour information, le mois d’avril 2018 a été en moyenne le 2ème plus chaud enregistré en Suisse depuis le début des mesures en 1864, derrière avril 2007. Mai a été en moyenne le 5ème mois de mai le plus chaud enregistré en Suisse depuis 1864, alors que le printemps 2018 a été le 4ème plus chaud depuis 1864.