Thèse soutenue par Fabienne DIETRICH, le 3 novembre 2017, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
Le fonctionnement de la Terre est régi essentiellement par quatre grands systèmes : l’atmosphère, la biosphère, l’hydrosphère et la géosphère. A l’interface de ces systèmes, le sol, appelé aussi pédosphère, joue un rôle déterminant. En effet, les différents éléments chimiques qui composent notre planète interagissent entre eux et transitent d’un système à l’autre, souvent via le sol, décrivant ainsi de véritables cycles connus sous le nom de cycles biogéochimiques.
Le cycle du carbone est de loin le plus étudié, en raison de son rôle décisif dans le réchauffement climatique. A l’inverse, notre connaissance du cycle d’un autre élément, le calcium, pourtant intimement lié à celui du carbone, est plus lacunaire. En milieu continental, pourtant, l’altération des roches silicatées implique une série de réactions chimiques durant lesquelles le calcium est libéré et le dioxyde de carbone consommé. Le calcium, tout comme le carbone, est ensuite mobilisé puis transporté vers les océans, où il est stocké, parfois durant plusieurs millions d’années. Cependant, une partie de ce calcium n’est pas toujours directement transportée vers les océans, mais peut être séquestrée dans le sol sous forme de carbonates dit pédogéniques. Des accumulations significatives de nodules carbonatés de ce type ont été observées dans les bassins versants silicatés du Nord du Cameroun, une présence inattendue dans ce type de bassins, d’ordinaire pauvres en calcium.
Le but de ma thèse est d’améliorer notre compréhension de l’origine des nodules carbonatés pédogéniques et de mieux définir l’impact de ces formations sur les cycles du calcium et du carbone. Des perspectives nouvelles sont avancées sur l’origine du calcium et sur les processus à l’oeuvre lors de son transfert des sources vers les nodules carbonatés. Cette approche a été complétée par l’élaboration d’une méthode de datation radiométrique novatrice visant à dater la formation des carbonates pédogéniques.
La combinaison des deux outils géochimiques que sont les isotopes du strontium et du néodyme a permis de déterminer que le calcium des nodules carbonatés pédogéniques du Nord du Cameroun provenait principalement des granites alentours, avec une contribution des poussières sahariennes. Le calcium libéré lors de l’altération des granites est transféré vers les nodules carbonatés pédogéniques via différents compartiments du sol (une observation corroborée par des calculs de bilan de masse). De ce fait, une part importante du Ca libérée lors de l’altération du granite n’est pas transportée vers les rivières, impactant ainsi leur composition.
Cette observation a son importance car la composition géochimique des rivières est fréquemment utilisée dans le monde scientifique pour quantifier l’altération des différents substrats rocheux d’un bassin versant, de même que pour calculer la quantité de dioxyde de carbone consommée par les processus d’altération. La tentative de datation des carbonates pédogéniques n’a pas été fructueuse, en raison d’un contenu détritique trop élevé dans les nodules échantillonnés. Elle a néanmoins le mérite d’avoir ouvert une voie nouvelle qui pourra être suivie pour dater des échantillons plus adaptés. D’un point de vue plus général, cette étude a permis de mettre en évidence le rôle fondamental joué par les nodules carbonatés pédogéniques au sein des cycles du calcium et du carbone.