Thèse soutenue par Graziele Muniz Miranda, le 15 février 2017, Institut de géographie et durabilité (IGD)
La gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est un processus qui vise à prendre en compte les différents usages de l’eau impactant un territoire (normalement le bassin versant) et les différents niveaux institutionnels (local, régional et national). A l’heure actuelle, le concept est amplement diffusé par diverses institutions internationales et souvent présent dans les politiques gouvernementales.
Cette thèse vise deux objectifs principaux. Le premier est de comprendre si les systèmes fédéraux ont tendance à freiner ou, au contraire, à faciliter la mise en oeuvre de la GIRE. Le deuxième est l’élaboration et l’application d’indicateurs permettant de mesurer le niveau d’intégration de la gestion de l’eau au niveau local et régional.
Les premiers cas de GIRE par bassin versant observés dans notre étude ont eu lieu dans des pays fédéraux (Allemagne et Etats-Unis) au début du XXe siècle. Par la suite, la GIRE est mise en oeuvre de manière systématique plutôt dans les pays centralisés comme une manière de décentraliser la gouvernance de l’eau. Dans les pays fédéraux, l’autorité étant déjà plus décentralisée en raison de l’autonomie locale et du partage des pouvoirs, ce besoin de décentralisation est en général moins marqué.
Nous nous sommes concentrée sur deux pays fédéraux : le Brésil, où la GIRE est présente dans la législation fédérale, et la Suisse, où ce concept n’existe pas dans la législation, tout en étant encouragé au niveau fédéral. Dans les pays fédéraux latino-américains, comme le Brésil, la GIRE a souvent été liée à une volonté de décentralisation et de renforcement de la participation des citoyens, après une période dictatoriale. En Suisse, pays fédéral très décentralisé, sa mise en oeuvre est très hétérogène et plutôt vue comme un moyen de coordonner les politiques sectorielles.
Des entretiens semi-structurés ont été réalisés auprès de différents acteurs dans les bassins versants Piracicaba, Capivari et Jundiaí (PCJ), au Brésil, et Mèbre-Sorge, en Suisse. Les principes clés de la GIRE (intégration, décentralisation et participation) n’ont pas la même signification et acceptation dans les deux cas : au Brésil, le concept de GIRE a été adopté de façon systématique en adaptant un modèle provenant d’une structure unitaire (France) à un pays fédéral, alors qu’en Suisse, plusieurs instruments de participation de la population existent (droit d’initiative, de référendum, consultation) et réduisent la nécessité d’intégration normative de la GIRE sur l’ensemble du pays. Le concept est plutôt lié à la coordination des usages prioritaires lors de projets et à la régionalisation des institutions fragmentées. En conclusion, la structure fédérale est un frein pour la mise en oeuvre d’un modèle normatif unique et systématique de GIRE, notamment pour les fédérations les plus décentralisées. Par contre, elle est un accélérateur pour un modèle adapté de GIRE.
Les indicateurs d’intégration de la gestion par bassin proposés ont permis de démontrer l’existence d’un cadre formel de GIRE par bassin, un haut niveau de connaissance globale du bassin et une faible préservation de la ressource dans le cas du PCJ. Dans le bassin de la Mèbre-Sorge, nous avons relevé une fragmentation de la gestion par secteurs, une faible connaissance globale au niveau du bassin et une faible perception de conflits entre usages.