Thèse soutenue par Ursula Meyer, le 22 novembre 2016, Institut de géographie et durabilité (IGD)
La terre périurbaine dans les villes ouest-africaines en constante expansion se retrouve sous la forte pression de l’urbanisation. Elle représente un objet de tiraillements entre différents groupes d’acteurs qui revendiquent l’accès ou la propriété de ces ressources foncières convoitées. Cette thèse analyse ces enjeux fonciers à Niamey sous un angle politique en interprétant accès et propriété comme des questions de pouvoir et d’autorité.
L’analyse des dynamiques qui se déploient autour de l’accès et de la reconnaissance de la propriété de la terre périurbaine reflète alors de manière instructive les transformations socio-politiques et institutionnelles qu’a traversées le Niger depuis l’Indépendance. Dans de telles dynamiques et processus sont inévitablement impliquées des institutions diverses, qu’elles soient publiques ou privées, et qui cherchent toutes à ancrer leur autorité et à établir leur légitimité par la formulation et l’établissement de droits d’usage ou de propriété. Le foncier périurbain à Niamey peut alors être considéré dans nombreux cas comme un objet-témoin qui reflète l’évolution des institutions et de l’autorité publique, et les relations que celles-ci entretiennent avec les citadins devenus de plus en plus explicitement des citoyens conscients de leurs droits démocratiques.
Ces transformations ne se font pas sans frictions, contestations et conflits. Sont alors analysées trois situations et sites à l’ancienne et à l’actuelle périphérie urbaine de Niamey. En premier lieu, ce travail étudie un espace vert planté d’arbres dans les premières années après l’Indépendance par des régimes autoritaires sans considération des droits coutumiers. En suivant l’établissement d’espaces verts urbains par la plantation d’arbres et les mutations du service forestier dans une perspective historique, cette première analyse conceptualise l’espace vert comme une arène où se déploient des tentatives de légitimation et d’enracinement d’un Etat en devenir.
Ce même espace fait l’objet d’une deuxième analyse, cette fois-ci contemporaine, en étudiant les revendications de reconnaissance de droits coutumiers, de processus de formalisation de ces droits et d’institutionnalisation de la citoyenneté dans un contexte reformulé de démocratisation.
La troisième analyse s’intéresse aux périphéries nouvelles et aux processus de lotissement par différents acteurs publics et privés. La production de parcelles urbaines est interprétée sous l’aspect d’une territorialisation à l’échelle de la ville et d’une prise de contrôle des terrains de la future-extension de la capitale par des acteurs économiques parfois plus puissants que l’Etat.
Ces résultats issus d’une enquête de terrain de style socio-anthropologique de durée prolongée, suggèrent que les périphéries urbaines constituent des espaces d’expérimentation, de configuration et de reconfiguration de pouvoirs coutumiers, politiques, et économiques. Elles représentent une interface privilégiée dans laquelle les positions d’autorité et de légitimité se négocient constamment et où une citoyenneté différenciée se cristallise lentement dans la confrontation d’une multitude d’enjeux et d’aspirations, de défis et de besoins. La panoplie de formes d’échanges productifs entre l’espace, l’autorité et la citoyenneté, dans le contexte général d’un Etat démocratique en devenir, permet d’interpréter la confluence de phénomènes d’actualités dans un sens productif et compréhensif comme des négociations d’étaticité et de processus de production et de formation de l’Etat au niveau local.