Les mouvements des plaques tectoniques sont à la base de la formation des chaînes de montagnes, de l’activité volcanique et des violents séismes qui frappent les populations. Ces plaques dites lithosphériques dont l’épaisseur varie entre 80 et 200 km sont composées de la croûte océanique ou continentale et d’une partie rigide du manteau terrestre. Cependant on connaît encore très mal la nature de la base de ces plaques. Reste également méconnue la zone de transition qui découple ces plaques des mouvements propres de l’asthénosphère, qui est le manteau terrestre ductile sous-jacent.
Pour essayer de mieux caractériser cette zone de transition, Laetitia Rochat et Sébastien Pilet, de l’Institut des sciences de la Terre de la Faculté des géosciences et de l’environnement, en collaboration avec d’autres chercheurs de l’UNIL et des collègues japonais ont étudié des fragments uniques de la lithosphère profonde arrachés lors de la remontée de laves à travers la lithosphère océanique.
Un nouveau type de volcanisme
Ces laves appartiennent à des volcans très particuliers qui ont été récemment découverts au large du Japon, dans une zone où, en théorie, aucune activité volcanique ne devrait se produire ! Il s’agit de volcans sous-marins d’une cinquantaine de mètres de hauteur, qualifiés de petit-spots. Ils correspondent en fait à un nouveau type de volcanisme car, contrairement aux catégories identifiées jusqu’ici, ils ne sont liés ni aux phénomènes de subduction (plongée d’une plaque tectonique océanique sous une autre plaque), ni aux dorsales océaniques (rides associée à la formation du planché océanique). On explique l’apparition des volcans de ce nouveau type par des remontées de liquide magmatique présent en toute petite quantité au sommet de l’asthénosphère. Contrairement au modèle dit de « point chaud » proposé pour la formation des grandes îles océaniques telles que Hawaii, c’est ici la déformation de la plaque tectonique Pacifique avant sa subduction sous le Japon qui permet l’extraction de ces magmas. Lors de la remontée de ces magmas, des morceaux centimétriques de la lithosphère sont en effet arrachés à différentes profondeurs. Cette « récolte » donne ainsi accès à des informations inespérées et uniques quant à la nature profonde de la lithosphère océanique.
Echanges chimiques
En analysant ces échantillons collectés sur le fond de l’océan Pacifique à quelque 5500 m de profondeur, les chercheurs de l’UNIL et leurs homologues japonais ont conclu que les représentations que l’on se fait classiquement de la lithosphère sont partiellement fausses. Alors que l’on pense généralement que la base de la lithosphère est une zone passive et imperméable, cette étude démontre au contraire que la base lithosphérique laisse percoler et cristalliser de petites quantités de magma provenant de l’asthénosphère.
Ces « fuites » de magma ont pour effet de modifier les propriétés physiques et chimiques de la base de la lithosphère. Ce mécanisme, documenté pour la toute première fois, est crucial pour comprendre la formation des îles océaniques et des multiples petits volcans sous-marins qui tapissent le fond des océans, ainsi que pour l’évolution de la composition chimique du manteau terrestre. En effet, le recyclage de la lithosphère au niveau des zones de subduction est le principal mécanisme qui contrôle les échanges chimiques entre la surface et le manteau terrestre profond. Cette étude nous aide ainsi à mieux cerner l’évolution et les interactions entre les différentes enveloppes composant notre planète.