Les deux plaques tectoniques indienne et asiatique continuent de se rapprocher le long de l’Himalaya, ce qui engendre l’accumulation d’énormes tensions dans la croûte terrestre, qui sont ponctuellement libérées dans des tremblements de terre soudains et catastrophiques, comme au Népal en 2015 (7.8 sur l’échelle de Richter).
Un enjeu important est de connaître l’ampleur maximale possible d’un tremblement de terre dans ces régions.
L’hypothèse de départ était que cela serait possible à condition de mieux connaître la structure de la plaque indienne le long de l’Himalaya, d’est en ouest, et d’identifier d’éventuelles variations latérales dans le matériau absorbé sous la chaîne montagneuse. Or, ce matériau n’est pas visible sous l’orogène, ni sous l’épaisse couche de sédiments accumulés par les fleuves du Gange et du Brahmapoutre.
20’000 km sur les pistes himalayennes
La solution géophysique choisie a donc consisté à mesurer les anomalies gravimétriques – infimes variations dans le champ d’attraction terrestre, perceptibles seulement avec une instrumentation très sensible. Ces anomalies dans la gravimétrie permettent de comprendre comment la Terre s’épaissit ou au contraire s’amincit et où et comment réellement l’Inde plonge sous l’Himalaya.
Il a fallu pour cela collecter des données complémentaires : 20’000 km ont ainsi été parcourus sur les pistes des massifs himalayens sur une période de 5 ans (la moitié du tour de la Terre !).
Le résultat est une carte des anomalies gravimétriques d’une densité et d’une qualité sans précédents, impossible à obtenir par satellite. La dimension nouvelle apportée par l’analyse de ces données est une meilleure définition de la forme de la plaque plongeante qui varie latéralement, d’ouest en est, avec quatre segments distincts qui ont des comportements alternés : dans deux des segments, au Népal et au N-E de l’Inde, la descente commence loin au Sud de l’Himalaya, et se poursuit en pente assez douce, alors que dans les deux autres segments, au N-O de l’Inde et Bhoutan, la descente s’engage plus près de la chaîne montagneuse et s’enfonce rapidement en pente plus prononcée. La délimitation de ces segments est assez nette, aux environs des 77°E, 88°E et 93°E de longitude au pied de l’Himalaya, sous les sédiments du bassin de l’avant-pays et sous les orogènes.
Le point fort de cette étude corrélée avec les événements connus est qu’aucun des séismes ne s’est propagé au-delà des limites de ces segments. Ces événements dévastateurs sont restés à l’intérieur des segments dans lequel ils se sont déclenchés, bien délimités sur la carte des anomalies gravimétriques.
On peut donc conclure de cette étude que les segments de l’Himalaya identifiés grâce à l’imagerie géophysique sont inhérents à la structure de la plaque indienne dans la zone de collision et il semble bien qu’ils fixent une limite supérieure à l’extension latérale de potentiels gros tremblements de terre, ce qui est évidemment essentiel en termes d’évaluation de l’aléa sismique.
Référence bibliographique
- György Hetényi, Rodolphe Cattin, Théo Berthet, Nicolas Le Moigne, Jamyang Chophel, Sarah Lechmann, Paul Hammer, Dowchu Drukpa, Soma Nath Sapkota, Stéphanie Gautier & Kinzang Thinley, Segmentation of the Himalayas as revealed by arc-parallel gravity anomalies, Scientific Reports 6, Published online: 21 September 2016.