Thèse soutenue par Jean-Baptise Bosson le 1er juillet 2016, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)
Les glaciers sont des masses de glace formées à la surface de la Terre par la compaction de la neige. Sous l’effet de la gravité, ils se déforment et s’écoulent jusqu’aux zones où les conditions climatiques plus chaudes font fondre la glace. Dans les environnements montagneux, les glaciers peuvent contenir et transférer une grande quantité de sédiments (fragments de roche provenant de l’érosion du relief). Ces derniers peuvent ainsi s’accumuler à l’intérieur, en dessous, à la surface et autour des glaciers, perturbant leurs écoulements et leurs réponses aux variations climatiques.
La concentration de sédiments peut être particulièrement élevée pour les petits glaciers de cirques, communément recouverts et cernés par les débris qu’ils n’arrivent pas à évacuer en raison de leur faible dynamique. En dehors des zones les plus humides de la planète, les petits glaciers sont très souvent confinés dans les environnements périglaciaires, soumis aux conditions de permafrost (température négative tout au long de l’année) qui peuvent permettre la conservation de la glace sous les sédiments. Malgré leur relatif grand nombre à la surface terrestre (des dizaines de milliers), leur importance comme source d’eau et de risque naturel au niveau local et le fait que de plus en plus de glaciers sur Terre deviennent petits, couverts de débris et confinés dans les conditions de permafrost dans le contexte climatique contemporain, les petits glaciers couverts situés dans les environnements périglaciaires sont encore très peu étudiés par la communauté scientifique.
Cette contribution synthétise les résultats de cinq années de recherches sur ces systèmes complexes. Leur composition, leurs dynamiques et leur formation ont été étudiées dans sept sites, localisés au nord-ouest des Alpes. Les résultats et la synthèse de la littérature ont permis d’établir les bases d’une connaissance approfondie de ces systèmes.
Les principaux résultats obtenus montrent que ces systèmes souffrent fortement des changements climatiques contemporains, à l’instar de l’immense majorité des glaciers présents sur Terre. Initiée à la fin du Petit Âge Glaciaire (1850), la fonte généralisée de la glace s’est accélérée depuis la fin des années 1980. Malgré la limitation de l’influence de l’atmosphère par la présence d’un niveau de sédiments en surface pouvant atteindre plusieurs mètres, la fonte dépassait plusieurs décimètres par an au cours des dernières années. Ces petites masses de glace tendent aujourd’hui à se couvrir de débris et à se confiner dans des zones protégées par la topographie. Peu ou pas alimentés en glace, ces glaciers sont un héritage du climat passé qui disparaît progressivement.
Toutefois, des dynamiques particulières ont été mises en lumière par rapport aux autres types de glaciers et la forte concentration de sédiments dans ces systèmes diminue leur sensibilité aux changements climatiques. Les vitesses de fluage et de fonte les plus rapides ont été observées dans les zones glaciaires en amont. Dans certaines marges peu dynamiques et peu perturbées par les circulations d’eau, d’importantes quantités de glace peuvent être préservées sous plusieurs mètres de sédiments. Peu sensibles aux variations climatiques, ces mixtures de glace et de sédiments se déforment lentement avec la gravité et adoptent une forme visqueuse, appelée glacier rocheux.
Alors que la fonte rapide des glaciers blancs (non couvert de débris) est attendue au cours du 21ème siècle, l’influence conjuguée de la forte concentration de débris et en particulier l’épaisseur de la couverture de débris sur le glacier, des conditions de permafrost et de la topographie (notamment l’ombrage et la redistribution de la neige pas les avalanches) va ralentir la disparition de ces glaciers atypiques.
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