Thèse soutenue par Anne-Cécile Ballenegger le 3 juin 2016, Institut des sciences de la Terre (ISTE)
Les éruptions volcaniques exprimées en surface, qui peuvent affecter directement notre société, ne représentent que la pointe de l’iceberg d’un système beaucoup plus complexe. La majeure partie du système magmatique terrestre est cachée à l’intérieur de la croûte, sous forme d’intrusions, réservoirs magmatiques ou conduits. La compréhension de la partie volcanique ne peut se faire sans la connaissance des processus de transfert et d’évolution du magma qui ont lieu sur le chemin d’alimentation et qui peuvent, dans certains cas, mener à des éruptions volcaniques.
Cette étude a été réalisée sur une de ces intrusions, le complexe mafique de la Punta Falcone au nord de la Sardaigne, mis en place à une dizaine de km de profondeur voici 290 Ma. Grâce aux mouvements tectoniques et à l’érosion, cette intrusion est aujourd’hui exposée à la surface.
Nous avons pu mettre en évidence la construction incrémentale de cette dernière par l’injection de pulses successifs ayant une épaisseur de 10 à 60 m. Une évolution chimique entre les premiers et les derniers pulses montre une interaction de moins en moins intense avec les granites encaissants. Etant donné la petite taille ainsi que la courte durée d’activité du complexe, les magmas qui ont transité par cette intrusion n’ont probablement jamais atteint la surface.
La connaissance des processus de mise en place de cette intrusion ont permis d’investiguer un phénomène géologique particulier : la formation d’un litage magmatique rythmique à l’échelle de 3 cm environ. Le litage est présent uniquement dans un des pulses tardifs et se développe de façon parallèle à la bordure de celui-ci. L’étude des textures et de la chimie des minéraux a permis de définir les caractéristiques des horizons noirs et blancs du litage, ainsi que l’ordre de cristallisation des minéraux.
Plusieurs processus sont proposés dans la littérature pour la formation de ce type de litage, comme (a) l’accumulation de minéraux denses au fond d’une chambre magmatique; (b) la déformation d’un magma contenant des cristaux, qui concentre ces derniers dans des plans parallèles ou (c) des processus basés sur des gradients thermiques et chimiques, qui mènent à la formation de lits de minéralogie différente (soit par cristallisation directe en bandes, soit par recristallisation de la roche).
L’absence d’orientation préférentielle des cristaux, la texture des minéraux mafiques, ainsi que l’orientation verticale du litage ont permis d’exclure sa formation par déformation, recristallisation ou accumulation gravitaire. Le processus proposé est basé sur une double diffusion, thermique et chimique, qui mène à la cristallisation rythmique des minéraux mafiques dans les couches noires uniquement. La cristallisation de phases mafiques dans une bande parallèle à la bordure du pulse mène à la formation d’une couche adjacente appauvrie en éléments chimiques utilisés pour la croissance de ces minéraux. Ceci empêche leur nucléation et donc leur formation dans cette zone adjacente, qui va devenir une bande blanche.
Un modèle numérique a été développé pour vérifier les paramètres chimiques et physiques de ce processus. Les résultats obtenus montrent qu’il est possible d’expliquer la formation d’un litage magmatique avec les caractéristiques de la Punta Falcone dans le cas d’un refroidissement relativement rapide (de un à plusieurs °C par an), comme c’est le cas pour cette intrusion.