Thèse soutenue par Catherine Lavallez le 12 mai 2015, Institut de géographie et durabilité (IGD)
En France comme en Suisse, les collectivités territoriales s’imposent comme des acteurs majeurs de la transition énergétique, une transition dont la mise en oeuvre nécessite un important renouvellement des instruments d’intervention publics. Ce sont les enjeux et les conditions d’un tel renouvellement que le présent travail se donne pour objectif d’examiner, à partir des expériences de planification énergétique territoriale menées sur l’agglomération franco-valdo-genevoise. Conçues comme des démarches de relocalisation des filières énergétiques – filières dont nombre de composantes étaient, avec les énergies fossiles, externes aux territoires consommateurs –, ces démarches de planification énergétique sont ici examinées à partir d’une grille de lecture d’inspiration institutionnaliste et pragmatiste.
Consistant à appréhender ces démarches comme autant d’enquêtes ayant vocation, à travers un travail collectif de (ré)équipement cognitif du champ d’intervention territorial FVG, à initier et accompagner la reconstruction des modes de coordination des hommes au sujet de leur territoire – territoire entendu dans sa triple dimension matérielle, organisationnelle et politique – , cette grille ouvre vers une double lecture des expériences de planification énergétique. La première se concentre sur la dimension organisationnelle de ces enquêtes en devenir, c’est-à-dire sur les cultures d’action en présence et les modalités d’interaction entre elles, tandis que la seconde porte sur la substance cognitive qui sert de support à ces interactions, c’est-à-dire sur les logiques de réflexion qui président à la mobilisation et à la production des représentations territoriales liées à ces démarches.
Cette double lecture permet de tirer des enseignements à différents niveaux. Le premier concerne le champ (cognitif) d’intervention territorial que ces démarches de planification énergétique contribuent à dessiner. Un champ qui, bien que de mieux en mieux appréhendé dans ses dimensions techniques, reste à la fois limité et « déformé » de telle sorte qu’il valorise davantage les filières fossiles, dont on souhaiterait s’affranchir, que les filières renouvelables que l’on souhaiterait leur substituer. Le second niveau d’enseignement porte sur les processus de production de connaissances territoriales (PPCT) qui président à la délimitation et à « l’équipement » de ce champ d’intervention. Appréhendés à travers les normes institutionnelles qui les encadrent, et les cultures d’action dont les interactions peuvent initier des processus de déstabilisation-reconstruction de ces normes, ces PPCT s’avèrent donner naissance à des « zones-frontières » sociocognitives, zones favorables à de telles reconfigurations, mais nécessitant, dans le cas FVG, un travail préalable « d’aménagement ».
C’est sur les facteurs les plus déterminants pour la qualité de cet « aménagement » – un aménagement qui n’est plus seulement cognitif mais qui renvoie, plus globalement, aux conditions de mise en oeuvre d’enquêtes dont la finalité ultime demeure bien l’action collective territoriale – que se concentre la troisième catégorie d’enseignements. Ouvrant sur les défis comme sur les pistes de renouvellement ouvertes, au niveau des modes d’action publics, par ces démarches de planification énergétique, ces éléments permettent aussi de porter un nouveau regard sur le projet d’agglomération en construction sur ce territoire transfrontalier.