Xavier Arnauld de Sartre, Monica Castro, Simon Dufour et Johan Oswald (dir.)
La notion de services écosystémiques est apparue très récemment dans le discours environnementaliste, à l’occasion de la publication du Millenium Ecosystem Assessment de 2005, un rapport commandé par l’ONU pour qualifier l’état de la biodiversité. On définit ces services comme « les bénéfices que l’homme tirent des écosystèmes ». D’une notion à un concept établi dans les sciences de l’environnement, les services écosystémiques font référence à un contexte de crise, celui de la destruction de la biodiversité, de l’épuisement des ressources et du dérèglement climatique.
Ce concept tend donc à préciser que les écosystèmes – une construction humaine pour délimiter et identifier une partie de la biosphère en biotope et biocénose – sont les garants de l’ordre naturel et in extenso, que l’humanité tire un bénéfice direct de leur bon fonctionnement. Il apparaît rapidement que les services écosystémiques sont la composante d’une logique bien connue en géographie, celle des relations hommes-milieux, où parfois, la nature apparaît comme réifiée et externe à l’homme.
Les auteurs de cet ouvrage didactique et critique partent de ce constat pour développer la discipline engagée de political ecology, qui rassemble les aspects politiques, économiques et sociaux des questions environnementales. La political ecology réaffirme la cohérence multidisciplinaire des sciences de l’environnement par une approche généraliste rassemblant à la fois des scientifiques, des acteurs, des décideurs, mais aussi des entrepreneurs, des philosophes et des gestionnaires. En d’autres termes, on peut considérer que l’écologie moderne est une discipline éminemment sociale et culturelle, indépendamment de son aspect purement scientifique.
Si la notion de services écosystémiques fait l’objet d’une utilisation indiscutée dans les milieux de la conservation de la nature, elle est en premier lieu un compromis entre une notion économique, les « services » et une notion écologique, « écosystémiques ». De fait, la réification de la nature permet de mettre un prix sur des services essentiels aux hommes qui sans elle, ne saurait subsister. Il est donc étonnant de voir que ce discours est anthopocentrique en ce qu’il sous tend que la nature est un objet. Depuis la Renaissance, la séparation homme-nature, aussi nommée comme « Grand Partage », insiste sur la subjectivité de l’homme face à son environnement, du moins dans le monde occidental. L’homme est à la fois le défenseur et le destructeur, bien qu’il dépende entièrement de son environnement pour son existence. On voit donc la Nature comme une construction intellectuelle. L’homme donne son sens et sa finalité à la Nature comme élément subjectif.
Les services écosystémiques sont qualifiés en quatre catégories : l’approvisionnement (nourriture, culture, élevage, pêche, eau potable, bois, etc.), la régulation (qualité de l’air, des sols, pollinisation, etc.), le support (formation des sols, photosynthèse, cycles de l’eau, etc.) et les services culturels (diversité, valeur religieuse et spirituelle, éducation, écotourisme, etc.). Si dans un premier temps, les services écosystémiques semblent être une évidence pour les sociétés traditionnelles dépendant de l’économie de subsistance, il apparaît rapidement qu’un changement d’échelle s’est opéré où les services, quantifiés dans une logique économique néolibérale, sont considérés à la fois comme des conditions d’existence et un marché. Il faut protéger les écosystèmes pour les services qu’ils rendent à l’homme, et plus encore, on cherche à définir les pertes socio-économiques liées à la dégradation des écosystèmes. C’est cette translation, où l’environnement est réduit à une considération économique et anthropocentrée, ainsi qu’à un instrument de gouvernance, que les auteurs de « Political Ecology des services écosystémiques » tiennent à questionner.
Le livre Political ecology des services écosystémiques, (Xavier Arnauld de Sartre, Monica Castro, Simon Dufour et Johan Oswald (dir.), 290 p., éd. Peter Lang) est divisé en trois parties et neuf chapitres qui questionnent : 1) la validité des services écosystémiques d’un point de vue intrinsèque et instrumental, 2) les enjeux liés au discours politique du concept 3) la quantification et la répartition spatiale des services écosystémiques.
Deux membres de la FGSE ont participé activement à la rédaction de cet ouvrage. Monica Castro, biologiste, ethno-écologue et géographe, a effectué une partie de son post-doctorat comme première assistante à la FGSE à l’Institut de géographie et durabilité (IGD). Sa formation pluridisciplinaire lui permet de développer le champ de la political ecology. Christian Kull, géographe et professeur ordinaire à l’IGD, est spécialiste de political ecology sur les changements environnementaux dans les pays en voie de développement et dans les îles.