La pensée écologique: une anthologie, publié en janvier 2014 aux Presses Universitaires de France (PUF) est un livre d’une ampleur sans précédent en écologie. Cet ouvrage majeur qui se veut avant tout un instrument de travail (880p.) a été écrit à quatre mains par Dominique Bourg, (professeur ordinaire et philosophe à l’IGD) et Augustin Fragnière, (Phd in environment studies and political philosophy, IGD).
Le livre retrace l’évolution de la pensée écologique sur une large période de deux siècles et demi, de ses prémices (18ème siècle) jusqu’à aujourd’hui, avec plus de 80 auteurs différents, dont certains traduits ici pour la première fois de l’anglais, de l’allemand, et du japonais. Cette diversité est à l’image d’un courant pluridisciplinaire : on y trouve donc des textes ayant trait à la géographie, la philosophie, la biologie, ou la climatologie, parmi d’autres disciplines. On relèvera ici que dans ce sens, ce livre est fidèle à la FGSE – dont sont issus les auteurs – une faculté également au croisement des sciences sociales et naturelles. On pourrait prendre la citation suivante des auteurs comme fil conducteur de l’ouvrage :
« La pensée écologique consiste en une interprétation à nouveaux frais de la place de l’humanité au sein de la nature, en termes de limites de la biosphère, de finitude de l’homme, et de solidarités avec l’ensemble du vivant. »
En effet, au cœur de la question environnementale se trouve la relation Homme-Nature qui a été bouleversée dès l’essor de la Révolution Industrielle. Dominique Bourg et Augustin Fragnière entendent donc démontrer ici, par un choix de textes pertinents, à la fois la dépendance des sociétés humaines envers le milieu qu’elles exploitent et détériorent sans considération sur le long terme, mais aussi la prise de conscience d’une nature précieuse et généreuse dont la valeur intrinsèque est irremplaçable, impliquant une nécessaire solidarité. En ce qui concerne l’activisme écologique, on retrouve une opposition structurante similaire dans la pensée d’Arne Naess, philosophe norvégien du 20ème siècle, qui amène en 1973 un distinguo entre l’écologie superficielle et l’écologie profonde. La deep ecology ne s’intéresse pas seulement aux pollutions ou à l’épuisement des ressources, mais va chercher à identifier les fondements d’une crise d’ampleur planétaire dont les causes sont sociétales et économiques. Elle met en valeur la possibilité d’une intégration harmonieuse de l’homme dans la nature.
Le recueil est structuré en deux parties intitulées Chronologie et Les Grands Enjeux. On évolue ainsi entre Rousseau (exaltation du milieu naturel), Thoreau (ermite et penseur américain du 19ème), Marsh (premier travail d’environnementalisme scientifique américain), puis Vernadsky en 1925 (formalisateur du concept de Biosphère et précurseur du discours contemporain sur l’Anthropocène) jusqu’à Jared Diamond en 2005 (réductions brutales des sociétés et de leurs effectifs démographiques suite à la destruction de leur habitat). Bien qu’il ne suive pas nécessairement une linéarité historique, cet ouvrage ambitieux dévoile habilement de nombreuses ressources sur le questionnement des sociétés humaines face à leur environnement, de ses premières interrogations jusqu’à l’impasse du mode de pensée ultralibéral, reflet de l’insouciance sociétale face à un monde fini, l’oecoumène.
Référence bibliographique
- La Pensée écologique, une anthologie, sous la direction de Dominique Bourg et Augustin Fragnière, PUF Editions 2014, Collection : L’écologie en questions, ISBN : 978-2-13-058444-5, EAN : 9782130584445, 896 p.