Des chercheurs de la FGSE et de l’EPFZ, soutenus par le Fonds national suisse (FNS), ont pu démontrer que les glaciations sont bel et bien responsables de l’augmentation des phénomènes d’érosion au cours des derniers millions d’années. Leur étude permet de répondre à une question débattue depuis plus de vingt ans.
Durant les derniers millions d’années, la Terre a vu se succéder les glaciations et l’érosion a massivement augmenté au niveau global. Ces dernières en seraient-elles responsables? Ou faut-il y voir le résultat d’un regain de l’activité tectonique? Cette question agite la communauté des sciences de la Terre depuis une vingtaine d’années. Une étude récemment publiée par une équipe de chercheurs réunis autour de Frédéric Herman, de l’Université de Lausanne, permet de répondre que ce sont bien les glaciations qui sont la cause de cette augmentation.
La compilation et l’interprétation de quelque 18’000 données thermochronologiques provenant d’études locales leur a permis de d’obtenir des données globales sur la vitesse d’érosion moyenne des reliefs lors d’épisodes climatiques froids. Ces dernières montrent que les processus érosifs ont non seulement commencé à s’accélérer après le début des glaciations, mais que cette accélération est bien plus importante dans les zones de hautes latitudes et altitudes, soit celles où se situe la majorité des glaciers.
Travail de fourmi
Rassembler ces études locales, les homogénéiser, les compiler a constitué un véritable travail de fourmi, dit Frédéric Herman. «Nous avons commencé il y a quatre ans, révèle-t-il. Notre principal apport consiste à avoir empoigné toutes ces données et à leur avoir appliqué une méthode d’interprétation novatrice qui nous permet de mieux modéliser le phénomène de remontée des roches depuis les profondeurs jusqu’à la surface.»
Leur étude se base sur la thermochronologie, un outil âgé d’une trentaine d’année. Son principe est simple: plus une roche s’approche de la surface, plus sa température baisse. Cette évolution thermique est enregistrée dans des minéraux tels que zircon et l’apatite. En connaissant leur histoire thermique de ces minéraux (soit l’âge qu’ils avaient quand ils ont atteint une certaine température), les chercheurs peuvent calculer le temps que la roche qui les contient a mis pour atteindre la surface et en déduire une vitesse d’érosion.
Erosion et cycle du C02
Les résultats de cette étude devraient également permettre d’améliorer la compréhension des liens entre l’érosion et le cycle du CO2. «Plus une roche est réduite en petits morceaux, plus ces derniers réagissent chimiquement avec l’atmosphère et transportent du CO2 pour le piéger au fond des océans. Le fait que les glaciations accélèrent les processus d’érosion leur donne un rôle dans la question complexe du gaz carbonique comme effet de serre et de son évolution au cours des âges», explique Frédéric Herman. C’est évidemment un aspect important à l’heure où tant d’efforts sont fournis pour modéliser au mieux l’évolution du climat et des gaz à effet de serre.
Référence bibliographique
Frédéric Herman, Diane Seward, Pierre G. Valla, Andrew Carter, Barry Kohn, Sean D. Willett, Worldwide acceleration of mountain erosion under a cooling climate : Nature 504, 423–426 (19 December 2013) doi:10.1038/nature12877