Olivier Lugon
Vers l’exposition audio-visuelle :
diapositive et multiprojection en Suisse, 1960-1980
En 1964, la cinquième exposition nationale à Lausanne, l’Expo 64, marque en Suisse l’avènement d’une forme nouvelle d’exposition, dominée par une présence inédite de l’image lumineuse et des écrans. A côté du film, la projection de diapositives y joue un rôle essentiel, favorisé aussi bien par l’essor de la photographie en couleurs que par les progrès de l’automatisation et de la synchronisation des appareils, qui participent à un processus plus général de mécanisation de l’art de l’exposition. Dans des dispositifs de projection volontiers multipolaires et kaléidoscopiques, les images fixes tendent à prendre à leur tour la qualité d’images animées, soumises tant au défilement rapide du montage séquentiel qu’aux juxtapositions du « multiécran », ainsi qu’à un accompagnement sonore synchronisé. Ces formes neuves de présentation des images, irréductibles à la photographie autant qu’au cinéma, semblent alors annoncer une ère nouvelle, celle de « l’audiovisuel », et dessiner un champ professionnel prometteur qui, à la croisée des disciplines, va rapidement attirer à lui de nombreux photographes, graphistes, designers, ingénieurs ou cinéastes. Désignés sous les labels de « polyvision », de « multivision » ou de « mur d’images », ces modes complexes de la projection conquièrent bientôt les stands de foire, les musées historiques ou techniques, voire la décoration d’intérieurs commerciaux. Au tournant des années 1970, des sociétés spécialisées voient le jour, comme celle du zurichois Peter Münger, avant que des enseignements spécifiques ne soient introduits dans les écoles d’arts appliqués, à l’instar du cours « Médias audiovisuels » organisé par Jürg Gasser à l’Ecole des arts décoratifs de Zurich dès 1975. Si ce bouillonnement sera de courte durée avec la concurrence croissante des supports électroniques dès les années 1980, cet épisode oublié de la « multivision » analogique constitue un élément important de l’histoire de l’exposition photographique à l’orée du tournant numérique, dont l’étude peut enrichir notre compréhension des cultures des écrans contemporaines.
Illustration en haut de page :
Paillard S. A., maquette pour la section « Le Monde de l’image » de l’Expo 64, 1963
(Archives fédérales, Berne)