Le travail des sans-emploi : analyse sociologique de l’assignation à un programme d’emploi temporaire
Docteure en sciences sociales depuis novembre 2011, Morgane Kuehni a rédigé sa thèse sous la direction de Madame Françoise Messant-Laurent, professeure honoraire en sociologie du travail. Elle est actuellement responsable de recherche dans un projet FNS (PNR 60) conduit sous la direction de la professeure Nicky Le Feuvre de l’Université de Lausanne.
Cette thèse apporte une contribution novatrice et singulière à une thématique d’actualité : l’apparition de nouvelles formes d’emploi en dehors du marché du travail, sorte d’ « espaces intermédiaires » entre les catégories d’emploi, de chômage et d’assistance. Partant de la mise en place de politiques d’activation de la protection sociale, et plus particulièrement de l’assignation des personnes au chômage et à l’assistance publique à un programme d’emploi temporaire dans le canton de Vaud, ce travail livre une réflexion générale sur le sens du travail aujourd’hui et sur l’effritement progressif du « statut salarial » dans l’ensemble des pays industrialisés.
La mise en place de politiques d’activation dans le cadre de la protection sociale met l’accent sur les liens explicites, souvent réglementaires, qu’entretiennent actuellement la protection sociale, les politiques de l’emploi et le marché du travail dans les pays industrialisés. Dans le cadre du chômage, comme dans celui de l’aide sociale, une mise au travail peut être exigée en contrepartie du versement des indemnités ; en Suisse, on nomme ce procédé l’assignation au travail. L’assignation est le processus par lequel un·e conseiller·ère en placement peut contraindre, sous peine de sanction (suppression des indemnités pour un temps déterminé), une personne au chômage (inscrit·e auprès d’un office régional de placement) à souscrire à une mesure du marché du travail (MMT), particulièrement les programmes d’emploi temporaires.
Se nourrissant d’une littérature riche et diversifiée, mobilisant les outils de la sociologie du travail, de la sociologie de l’emploi, des politiques sociales ou encore du genre, cette recherche a pour objectif d’expliciter le sens et le vécu de l’assignation par les personnes sans emploi. Elle adopte une perspective compréhensive, attentive aux tensions que vivent les individus pris dans une situation de travail hybride et inédite qui les place aux frontières des différentes catégories administratives de chômage, d’inactivité et de population occupée. Partant d’une étude empirique auprès de personnes assignées, le travail propose une analyse qualitative des conditions et de l’organisation du travail en emploi temporaire, ainsi que des modalités contractuelles et statutaires des personnes assignées à une activité de travail contrainte et matériellement non reconnue, puisque non salariée.