L’insertion sociale plurielle des femmes cadres supérieurs en Suisse. Contribution à l’étude du bien-être subjectif au quotidien. Approche intégrative qualitative
Après une licence en philosophie (psychologie et sociologie) à l’Université de Fribourg en 2001, María del Río Carral a obtenu, en 2011, le titre de docteure en Psychologie de l’Université de Lausanne sous la direction de la prof. Marie Santiago-Delefosse. Post-doctorante boursière au FNRS-Belgique, elle est actuellement chargée de recherche à l’Université Catholique de Louvain. Depuis une quarantaine d’années, de nombreux travaux étudient les relations entre les différents milieux de vie au quotidien et, plus particulièrement, l’impact de leurs articulations singulières sur la santé. On peut les classer selon deux axes principaux : l’un aborde ce phénomène selon une perspective de « conflit travail-famille » en terme de « stress », l’autre se focalise sur la promotion du « bien-être » au travers d’une approche d’« équilibre travail-vie ». Or, l’ensemble de ces recherches considère que les désajustements, les contradictions et les tensions vécus au quotidien sont « pathogènes ». Le « bien-être » apparaît alors comme un état d’équilibre ultime indépendant du contexte de vie du sujet. Ainsi, peu de recherches portent sur la dimension située du bien-être dans son rapport à l’activité concrète au sein des milieux de vie.
Notre étude examine cette question auprès de femmes cadres supérieurs, selon une perspective critique et développementale en psychologie de la santé. En effet, cette population constitue un terrain privilégié pour comprendre le sens donné à l’activité à partir des contraintes, responsabilités et demandes perçues dans des contextes parfois contradictoires, et pour analyser le rôle de ces contextes dans le bien-être subjectif.
Nous avons mené des entretiens focalisés sur l’activité quotidienne auprès de 20 femmes, et ceci en deux temps (T1-T2) (40 entretiens). Les résultats issus des analyses du contenu de ces discours permettent de saisir le vécu de l’articulation entre milieux de vie chez nos participantes, selon trois axes à la fois interdépendants et autonomes. Chaque axe se définit par une série de supports spécifiques jouant un rôle structurant dans leur bien-être subjectif. Ainsi, le premier axe se caractérise par des supports de maîtrise subjective, ainsi que par l’appropriation de contraintes sociales et corporelles, selon un rythme soutenu de l’activité. Le deuxième axe s’accompagne de supports qui favorisent la prise de distance par le relâchement du rythme et du lâcher prise et par la création d’espaces personnels et sociaux « pour soi ». Enfin, le troisième axe porte sur le positionnement de soi par rapport à autrui en terme de « personnalisation ».
Construits en rapport à la corporéité et à autrui au sein de contextes spécifiques, ces différents supports prennent leur sens au sein d’un système global de pratiques, unique pour chaque femme. Selon cette conception critique, le bien-être subjectif chez les femmes cadres se définit comme le fruit d’un processus mouvant, issu des tensions vécues entre les trois axes de l’articulation des milieux de vie. Il est par conséquent social, corporel et psychologique.