Initialement impulsé par la théologienne Claire Clivaz (FTSR), l’historien François Vallotton (Lettres), le littéraire Jérôme Meizoz (Lettres), l’historien et anthropologue Christian Grosse (FTSR) et l’ingénieur en intelligence artificielle Frédéric Kaplan (EPFL), le projet a été porté par le sociologue des sciences Dominique Vinck (SSP), professeur ordinaire à l’Institut des Sciences Sociales, rattaché au Laboratoire de Sociologie (LABSO). Comme le souligne le prof. Vinck qui nous présente le projet, l’un des objectifs de la recherche est de faire émerger une communauté académique interdisciplinaire en cultures et humanités numériques et de susciter la formation d’une nouvelle génération de spécialistes dans ce domaine émergent.
La transformation de notre environnement informationnel et culturel immédiat constitue un défi pour les sciences sociales, les sciences humaines et les sciences de l’information. Nous sommes probablement dans une transition culturelle et technologique aussi importante que l’invention du codex ou de l’imprimerie. La digitalisation conduit de nombreux acteurs privés et publics à transformer les accès et la mise à disposition, auprès des chercheurs et des citoyens, de bien des aspects des cultures passées, présentes et en émergence.
Elle exige des sciences humaines et sociales de concevoir des outils théoriques et des méthodologies à la hauteur des questions et défis politiques (démocratie), géostratégiques (préservation de la diversité culturelle et linguistique), épistémologiques, que soulèvent la numérisation, la codification culturelle, la mise en relation, la visualisation et le traitement des données culturelles. Nous avons ainsi besoin de concepts, technologies et méthodes pour bien comprendre les transformations en cours et les convertir en ressources culturelles.
Le projet s’inscrit dans un tournant historique, au moment où les humanités numériques, jusqu’alors composées de philologues et d’historiens travaillant sur les textes et la culture classiques, commencent à porter leur attention sur de nouveaux corpus (audio, vidéo, traces des interactions sociales laissées sur Internet, les téléphones portables et bien d’autres objets « intelligents »). Avec les chercheurs en sciences sociales et en informatique, philologues et historiens s’interrogent sur l’annotation, l’interaction avec les masses de données, l’écriture par les lecteurs et le multi-texte. Il s’agit d’intégrer la question des cultures, anciennes et actuelles, dans la problématique de leur constitution en biens communs numériques (digital commons) et de leur traitement (computing). Cela suppose de travailler aussi bien sur l’accès aux cultures anciennes autant que sur le traitement sociologique des dynamiques sociales et culturelles contemporaines (just-in-time sociology), et sur la conception d’interfaces avec les corpus culturels.
La recherche proposée se structure autour de trois dimensions scientifiques : (1) la recherche sur le codage et la mise en réseau d’archives, leur création, analyse et présentation multimédia ; (2) la recherche sur la cartographie des cultures numériques, qui porte son attention sur des corpus de traces d’expressions sociales dont il s’agit d’analyser les liens avec les mouvements sociaux ; (3) la recherche sur le façonnage des cultures et humanités numériques, qui s’efforce de comprendre la manière dont différents groupes affectent le type de corpus, de réseaux et d’outils construits, ainsi que la manière dont les cultures numériques se développent dans la vie quotidienne et ouvrent ou non des possibilités d’action pour les chercheurs et pour les citoyens. La finalité du projet est l’accroissement des capacités d’appropriation, par nos concitoyens (cultural empowerment), du patrimoine culturel autant que des nouvelles cultures en train de s’écrire.
Le projet est présenté par l’Université de Lausanne (directeur D. Vinck – SSP, co-directrice C. Clivaz – FTSR), en synergie avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (co-directrice S. Süsstrunk) et l’Université de Berne (co-directeur M. Stolz). Au sein de l’UNIL, il rassemble des collègues de la Faculté des Sciences Sociales et Politiques, de la Faculté de Théologie et de Sciences des Religions et de la Faculté des Lettres. Au sein de SSP, il est porté également par Mounia Bennani?Chraibi, Michaël Busset, Daniela Cerqui, Olivier Fillieule, Olivier Glassey, Gianni Haver, Michaël Meyer, Andrea Olivera, Franco Panese, Olivier Voirol et Clotilde Wüthrich. Ont également participé à la conception de ce projet des collègues de l’Interface Sciences-Société, des Universités de Bâle et Fribourg, l’EPFZ, la Haute Ecole Pédagogique (HEP) Vaud, du FORS et de la BCU, notamment.