Lancé en janvier 2024, le projet « Fundamentalism and foundationalism: crossed perspectives » examine la quête de fondements dans les sociétés modernes pluralistes, en étudiant le fondamentalisme protestant et le pragmatisme philosophique. Leur émergence simultanée aux États-Unis au début du 20e siècle reflète deux réponses opposées aux bouleversements de la modernité : darwinisme, sécularisation, pluralisme des valeurs. Le fondamentalisme cherche un fondement absolu pour sécuriser ses croyances dans un monde incertain, tandis que le pragmatisme critique cette quête, jugée source de dogmatisme et d’autoritarisme.
Ce projet international et interdisciplinaire, financé par l’ANR et le FNS, est co-dirigé par Stéphane Madelrieux (philosophe, Lyon 3) et Philippe Gonzalez (sociologue, UNIL), avec la participation de Sarah Scholl (historienne, UNIGE) et Claude Gautier (philosophe, ENS Lyon).
La recherche s’organise en plusieurs axes interdépendants. Le volet historique analyse les sources suisses du fondamentalisme au 19e siècle dans un cadre transnational, avant d’explorer la genèse simultanée du fondamentalisme et du pragmatisme au 20e siècle. Il examine également les controverses politiques qu’ils ont suscitées, notamment avec l’ascension de la Droite chrétienne américaine et son rejet de l’« humanisme séculier ».
L’axe philosophique aborde le fondationalisme comme projet global de société. Il met en lumière comment la quête de certitudes traduit une crise des repères dans les sociétés modernes et explore des alternatives pour concevoir un savoir non autoritaire.
Sur le plan sociologique, l’analyse se concentre sur l’émergence, dans les années 1970, de doctrines évangéliques proposant des fondements absolus, opposées au pluralisme moral et à la sécularisation. Ces doctrines, diffusées en Europe francophone, interrogent la manière dont les acteurs évangéliques articulent leur quête de vérité avec leur engagement dans les débats sociétaux, notamment sur l’orientation sexuelle et la diversité religieuse.
Enfin, une étude ethnographique, menée par Anne Siggen (doc FNS, UNIL) explore des formes de vie religieuses dépassant l’idée de vérité absolue. L’analyse des pratiques d’aumôniers militaires évangéliques suisses confrontés à la diversité confessionnelle jette un éclairage sur leur rapport au pluralisme.
Philippe Gonzalez, Institut des sciences sociales, membre du laboratoire THéorie sociale, Enquête critique, Médiations, Action publique (THEMA)