La cohésion sociale par l’art ? Sociétés des beaux-arts et élites locales en Suisse (1887-1945)
Emilie Widmer est historienne, historienne de l’art et muséologue. Elle a réalisé sa thèse dans le cadre du projet FNS “Local power structures and transnational connections. New perspectives on elites in Switzerland, 1890-2020”, plus précisément dans le sous-projet portant sur les sociétés des beaux-arts suisses, sous la direction de la Prof. Stéphanie Ginalski (Institut d’études politiques). Emilie a soutenu sa thèse le 30 octobre 2024.
Les premières sociétés des beaux-arts qui voient le jour sur le territoire de la future Suisse moderne apparaissent à la fin du XVIIIe siècle. Elles réunissent alors aussi bien des artistes que des amateurs d’art et naissent généralement d’initiatives privées. Leur vocation principale est de promouvoir l’art et de soutenir sa création. En réponse au manque d’engagement de la jeune Confédération suisse dans le domaine culturel à partir de 1848, les sociétés des beaux-arts locales développent un véritable patriotisme cantonal, fort d’initiatives culturelles individuelles. Elles présentent ainsi un grand intérêt pour la recherche, car elles témoignent de fonctionnements et de structures sociales tout à fait spécifiques aux régions dans lesquelles elles sont implantées.
Cette recherche étudie plus particulièrement la double fonction des sociétés des beaux-arts de Genève, Bâle et Zurich de 1887 à la fin de la Seconde Guerre mondiale en tant que lieux de sociabilité – en cela qu’elles permettent la production ou la reproduction de différentes catégories d’élites – et en tant qu’intermédiaires au sein du champ artistique – notamment par leur rôle d’intermédiaire au sein du marché de l’art et par leur implication dans la construction d’une politique artistique locale et nationale. Par le biais d’une approche interdisciplinaire mêlant histoire sociale de l’art et sociologie des élites, ce travail analyse donc les cas d’étude susmentionnés dans une perspective comparative au prisme de ces deux axes transversaux. La période délimitée pour cette étude a permis de traiter de l’évolution diachronique de ces deux fonctions. Elle a également donné la possibilité de mettre en lumière l’importance du rôle joué par les sociétés des beaux-arts des villes de Genève, Bâle et Zurich dans les prémices de l’ouverture de la Suisse au marché de l’art international à partir de 1946, ainsi que du comportement des élites des trois villes sélectionnées au sein du champ culturel pendant les deux guerres mondiales. Pour ce qui a trait aux méthodes et aux sources mobilisées, ce travail procède à l’analyse documentaire des fonds d’archives des trois sociétés et de leur société-mère, étudiées au moyen de la prosopographie.