Eleonora Buono

Eleonora Buono est chercheuse FNS Senior à l’Institut d’études politiques. Bénéficiaire d’un SNSF Swiss Postdoctoral Fellowship Grant, elle nous en dit plus sur son parcours et son sujet de recherche.

Eleonora Buono

Quel est le parcours qui vous a amené à devenir chercheuse ?

Mon parcours académique a débuté par des études en philosophie, suivies d’un doctorat en science politique à l’Université de Bologne, au cours duquel j’ai consacré ma thèse à William Stanley Jevons, un économiste, logicien et philosophe de l’époque victorienne. Après avoir obtenu mon doctorat, j’ai occupé des postes de post-doctorante, notamment à l’Université de Bordeaux, et je suis actuellement à l’Université de Lausanne grâce au soutien d’un SNSF Swiss Postdoctoral Fellowship Grant.

Ce qui a particulièrement captivé mon intérêt dans le métier de chercheuse, c’est la possibilité d’étudier continuellement tout au long de la vie, une démarche qui résonne profondément avec ma passion pour la quête intellectuelle. Toutefois, la question de comprendre la raison sous-jacente à mes choix thématiques a été une préoccupation constante tout au long de mon parcours. Ma directrice du Master m’a transmis l’idée selon laquelle chaque individu porte en lui deux, voire trois questions essentielles, et que la vie se caractérise par une exploration incessante de ces interrogations profondes. Je suis convaincue que cette perspective s’applique également au travail de recherche, où ces questions émergent fréquemment a posteriori, au fur et à mesure de la revisite de travaux passés, révélant ainsi des préoccupations latentes.

L’une des questions qui a émergé au fil de mes propres recherches est celle de la nécessité. Examiner cette notion m’a conduit à explorer la complexe relation entre nécessité et liberté dans un contexte plus vaste, ainsi que la connexion entre la représentation du monde tel qu’il est et la volonté de le transformer. Cette exploration approfondie de la nécessité offre une perspective enrichissante sur les liens fondamentaux qui guident ma recherche.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre projet de recherche ?

Mon projet est articulé autour du concept de caractère et l’éducation politique dans l’Angleterre victorienne, et se déploie en deux volets. Dans un premier temps, j’ai mené une série d’études théoriques, incluant la lecture de textes de théorie de l’éducation du groupe religieux au cœur de mon projet, à savoir les unitariens. En raison de leurs convictions doctrinales et de leur position sociale, les unitariens se sont fortement investis dans les réformes sociales et morales. La prochaine étape de mon travail impliquera l’étude de figures telles que Stuart Mills et Robert Owen, approfondissant ainsi la compréhension de ces thèmes cruciaux dans le contexte victorien.

Par la suite, au cours du semestre de printemps, je prévois de me rendre à Manchester, une étape essentielle, car c’est là que sont conservées les archives contenant tous les rapports des associations de réformes sociales des unitariens. Mon objectif principal est d’investiguer si le concept de caractère est effectivement utilisé dans le contexte des pratiques de ces réformes sociales, en examinant attentivement trois ensembles d’archives appartenant à des associations clés de ces réformes.

En premier lieu, la Domestic Mission, représentant l’association où les réformateurs se rendaient dans les foyers des classes populaires pour effectuer des contrôles concernant les conditions des familles. Ensuite, les archives de la Sunday School, une institution dédiée à l’éducation des enfants des classes ouvrières. Enfin, les archives du Manchester Mechanics Institute, une institution consacrée à l’éducation des adultes des classes ouvrières. Ma recherche se focalise sur les pratiques des réformes sociales menées par la classe moyenne en direction de la classe ouvrière.

Pourquoi mener vos recherches à la Faculté des SSP ?

La raison principale qui m’a amené à entreprendre mes recherches à la Faculté de SSP est étroitement liée au Centre Walras Pareto, un laboratoire interdisciplinaire sur l’histoire de la pensée économique et politique affilié à l’Institut d’études politiques. Lors de la rédaction de ma thèse, le Prof. Harro Maas, un expert de William Jevons et membre du centre Walras Pareto, a été désigné comme évaluateur externe. À l’issue de nos échanges, il m’a fait part d’un projet similaire, appelé Moral Accounting Matters, actuellement en cours au sein du centre, et m’a proposé de rejoindre leur équipe, une offre que j’ai acceptée avec enthousiasme. Cependant, concrétiser cette opportunité a nécessité deux années d’efforts pour obtenir les financements nécessaires, étant donné que le projet initial ne disposait pas d’un poste de post-doctorante disponible. La bourse FNS “Swiss Postdoctoral Fellowship” a finalement rendu possible mon intégration au Centre Walras Pareto pour une période de deux ans. À mon arrivée en automne 2023, j’ai été agréablement surprise de découvrir des personnes aussi intéressantes que bienveillantes, engagées dans des sujets captivants. Cette immersion au sein du centre a ouvert des opportunités d’échanges fructueux sur nos thématiques respectives. Pour moi, le Centre Walras Pareto et plus largement la faculté représentent un cadre stimulant où je me sens pleinement intégrée.

Qu’attendez vous de vos recherches ?

Je préfère adopter une approche sans trop d’anticipations. Il est crucial de ne pas avoir des attentes trop définies, car cela pourrait altérer la démarche de recherche. Concernant le concept même de caractère, je pense qu’il serait faux de le définir de manière prématurée. Il s’agit d’un concept aux multiples facettes, et il est essentiel d’observer comment il se manifeste dans la pratique. Cela dit, je m’attends de pouvoir mener des recherches approfondies dans les archives et de découvrir ce qui émerge de ces documents. Il est bien probable que cela diffère considérablement de mes attentes initiales, comme c’est souvent le cas lors de recherches en archives. Dans ce sens, j’apprécie que ce projet me confère une certaine liberté, car de nouveaux aspects peuvent émerger, susceptibles d’ouvrir la voie à des projets futurs.

Que prévoyez-vous pour la suite de votre parcours ?

Une fois le projet actuel achevé, j’envisage de soumettre des demandes pour de futurs projets basés à l’Université de Lausanne, que ce soit en postulant pour un Starting Grant auprès du FNS ou en explorant la voie d’une demande Marie Curie, un financement de recherche attribué par l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon Europe. Dans tous les cas, mon ambition est de poursuivre mon parcours au sein de l’Université de Lausanne, qui offre un cadre stimulant propice à l’avancement de mes recherches.