Lucile Franz

Modes de régulation de la marginalité dans le canton de Vaud : entre politiques sociales et sécuritaires

Diplômée d’un Master en sciences politiques de l’Université de La Sorbonne-Nouvelle, Paris 3, Lucile Franz a réalisé son doctorat à l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lausanne. Elle a soutenu sa thèse le 15 novembre 2022 sous la direction du Prof. René Knüsel. Sa thèse a été récompensée par le Prix de la Société académique Vaudoise le 2 juin 2023.

Cette thèse analyse les modalités de régulation mises en œuvre par les pouvoirs publics vaudois pour répondre au problème social de la marginalité. Pour ce faire, un double terrain en méthodes qualitatives a été conduit, l’un auprès des acteurs de la régulation – principalement des intervenant·e·s sociaux·ales et la police – et l’autre, auprès de personnes en situation de marginalité sociale. Leurs trajectoires ont pu être recueillies par une ethnographie réalisée au sein de centres d’accueil à bas seuil d’accessibilité.

La thèse amène trois résultats transversaux. Premièrement, l’approche interdisciplinaire adoptée, croisant sociologie, travail social et criminologie critique, a montré que politiques sociales et politiques pénales – souvent envisagées de manière antagonistes – forment un continuum dans la régulation de la marginalité.

Deuxièmement, au niveau des pratiques professionnelles, l’analyse a permis de mettre en exergue les territoires d’action communs ainsi que les ambivalences des missions qui leur sont confiées. Ces dernières touchent de manière particulière les professionnel·le·s actif·ve·s dans l’accueil à bas seuil d’accès et questionne la manière dont le travail social peut – ou non – infléchir les parcours de marginalité. Ainsi, la thèse amène un regard novateur sur les contraintes politiques et institutionnelles avec lesquelles le travail social doit composer, dans un contexte marqué par la néolibéralisation des politiques d’assistance et par la progression des préoccupations sécuritaires, mais souligne également ses marges de manœuvre et les espaces de possibles qu’il ouvre.

Enfin, la thèse révèle l’existence d’une population en situation légale en Suisse, invisible et déclassée, ne correspondant à aucune catégorie institutionnelle claire. À la fois bénéficiaire de prestations sociales, usagères des structures d’accueil à bas seuil et cibles d’une répression policière, ces personnes naviguent entre diverses institutions de l’État, qui dévoile un visage tantôt social, tantôt répressif. Le concept de marginaux·ales affilié·es est proposé pour qualifier ces personnes qui échappent à tout dispositif d’action social spécifique.