Lucile Quéré

Du corps au « nous ». Produire un sujet politique par le self-help féministe.

Après un master de sociologie politique à Sciences Po Paris, Lucile Quéré devient assistante-diplômée au Centre en Etudes Genre. Ses recherches, qui se situent à l’intersection de la sociologie de l’action collective, de la sociologie du corps et de la santé et de la sociologie du travail, ont bénéficié du soutien du FNS. Elle a soutenu sa thèse, préparée sous la direction d’Éléonore Lépinard, le 13 septembre 2021.

Le corps est au centre du renouveau des mobilisations féministes qui a marqué les années 2010. À partir d’une recherche sur le courant de self-help féministe qui conteste l’emprise médicale sur le corps des femmes, la thèse questionne la production du corps comme étant au principe du « nous » féministe. Elle s’appuie sur une enquête menée dans trois pays (Belgique wallonne, France et Suisse romande) combinant travail sur archives, entretiens biographiques et observations ethnographiques.

L’analyse proposée retrace d’abord l’histoire de la contestation féministe de la médecine, ainsi que les modalités contemporaines du militantisme de self-help féministe. Portant ensuite la focale sur les militantes luttant pour disposer librement de leur corps, la thèse révèle tant l’homogénéité sociale de ces féministes que les effets transformateurs de leur engagement sur leurs trajectoires professionnelles, corporelles, sexuelles et de santé, et met en lumière le rapport ambivalent qu’elles entretiennent à l’ordre médical.

Elle resserre enfin l’analyse sur les ateliers du self-help, et met au jour l’existence d’un véritable travail militant de politisation au féminisme. Dégageant différentes dimensions de ce travail militant, la thèse met en évidence la manière dont il façonne un ensemble de normes promouvant la bonne manière d’incarner le sujet politique du féminisme. Elle démontre ainsi que le travail militant de politisation au féminisme par le corps actualise des logiques inégalitaires qui participent à la (re)production dans et par l’action collective d’une mobilisation de féministes majoritaires.