Odile Cuénoud González

Changement de groupe et nostalgie de l’ancienne identité : approche expérimentale et étude de terrain sur l’intégration des combattants armés en Colombie.

Odile Cuénoud González a obtenu une licence ès sciences sociales de l’Université de Lausanne en 2005 et un postgrade en coopération internationale et gestion de projet pour le développement de l’université Externado de Bogota en 2009. Après plusieurs années passées en Colombie où elle a travaillé dans la coopération au développement, elle a été engagée comme assistante à l’université de Lausanne en 2012 et a défendu sa thèse de doctorat en psychologie sociale le 2 novembre 2018, sous la direction du Prof. Alain Clémence, UnilaPS. Ses principaux domaines de recherche portent sur les conflits intergroupes et leur résolution et en particulier sur le changement identitaire lors d’un changement d’appartenance au cours de la vie et les obstacles à la (ré)intégration dus à la stigmatisation de la première identité.

Dans de nombreux cas de changement de groupe – qu’il s’agisse d’un changement d’appartenance dans la vie quotidienne ou d’un contexte de Désarmement, Démobilisation et Réintégration [DDR] – la nouvelle identité sociale peut ne pas répondre aux attentes du nouveau membre. Si la transition est perçue comme une perte de prestige, la nostalgie de l’ancienne identité peut augmenter, rendant plus difficile l’intégration du nouveau groupe. Basée sur les Théories de l’Identité Sociale, de l’Auto-Catégorisation et de la Socialisation dans les groupes, ainsi que sur le corpus de littérature sur la nostalgie, cette thèse aborde le rôle du changement identitaire et du regret d’une première appartenance dans l’intégration à un nouveau groupe représentant une perte de statut, à travers des études expérimentales et corrélationnelles et une étude de terrain. L’étude principale (étude 4) de cette recherche – conduite auprès d’anciens combattants de groupes paramilitaires (AUC) et de guérillas (FARC et ELN) faisant partie du programme de DDR en Colombie – explore les difficultés d’abandonner une identité de combattant pour se ré-identifier à la communauté civile. Des études expérimentales et corrélationnelles menées en Suisse montrent le fort impact de l’évaluation des gratifications et de la discrimination (étude 1), ainsi que de la possibilité du maintien de l’ancienne identité sociale (étude 2) sur la capacité à s’identifier au nouveau groupe. Nous vérifions par ailleurs que la nouvelle identification est liée à la positivité et à l’estime de soi qui permettent une diminution de la nostalgie de l’ancien groupe malgré une perception de perte de statut (étude 3). L’étude de terrain en Colombie a ensuite permis d’évaluer l’influence de ces facteurs psychosociaux sur la possibilité de se réintégrer à la vie civile. Finalement, cette thèse présente un modèle explicatif du risque de retourner à la vie armée dans lequel se lit le poids de l’ancienne identité sociale dans un scénario de perméabilité des frontières. Ce travail souligne l’importance du rôle de la nostalgie dans l’intégration réussie dans un contexte de démobilisation et de processus de paix.