Petros Kefalas

Fonctions du toxique et facteurs spécifiques de changement psychothérapeutique chez les adolescents et jeunes adultes usagers des drogues

Diplômé d’une licence en psychologie de l’Université de Fribourg, Petros Kefalas travaille depuis 1993 au Centre d’Accueil et de soins pour adolescents et jeunes adultes usagers des drogues de l’Hôpital Psychiatrique d’Attique. Constatant dans sa pratique clinique les problèmes que pose l’usage des drogues dans les constructions thérapeutiques et théoriques, il s’est intéressé à approfondir la dynamique de la psychopathologie de la toxicomanie et des méthodes d’approche cliniques. Il a entrepris un doctorat sur le sujet à l’Université de Lausanne, sous la direction du Prof. Nicolas Duruz (IP), et il a défendu sa thèse en février 2018.

Cette thèse s’inscrit dans la recherche pour comprendre et approfondir les origines, le développement et la dynamique de la psychopathologie de la toxicomanie. L’hypothèse de recherche est que le choix de l’usage des drogues dans le but d’un plaisir immédiat, constitue le facteur central dans la dynamique psychique des patients toxicomanes, aussi différents qu’ils soient du point de vue de l’organisation de leur personnalité. Un tel choix est supposé être à la source de leur stratégie toxique, ce qui leur permet de gérer les tensions psychiques, sous forme d’autoguérison. Nous avons désigné sous le nom de stratégies toxiques les signes qu’une dynamique inconsciente est à l’œuvre et qu’elle peut se modifier. Les contenus, se référant explicitement ou au niveau latent à l’élément toxique, sont des signes que le thérapeute est censé «entendre» et élaborer au plus près. L’objectif est donc de dégager la stratégie toxique à l’œuvre dans le traitement des patients toxicomanes, de repérer ses formes variées d’expression, dans le but de mieux comprendre comment le recours à un moyen réel, tout puissant, inanimé et hors psychisme, tel que la drogue, tend à obscurcir la trace du psychisme et à maintenir le système défensif qui abolit entre autre toute relation thérapeutique, lorsque celle-ci est amenée à s’établir. Ce qui est alors spécifique dans cette clinique n’est pas l’objet-drogue (le toxique), ses effets et ses propriétés, mais les modalités de son choix et de ses fonctions. La rechute ou l’interruption du traitement sont retenus comme critères opérationnels externes, censés révéler l’échec du travail thérapeutique, insuffisamment en prise sur les stratégies toxiques des patients.

Les raisons des échecs thérapeutiques sont à rechercher aussi du côté des vécus particuliers des thérapeutes envers leurs patients, aux moments précis de l’introduction des stratégies toxiques dans la relation. De la prise en considération ou non de ces stratégies toxiques à l’œuvre à l’intérieur même du traitement dépend la possibilité pour le thérapeute d’organiser ou non un champ potentiel de changement, ce qui permettra de subjectiver l’expérience du toxicomane en lui donnant sens et valeur de vie.

Le travail thérapeutique proposé, soucieux de la prévention des rechutes toxicomaniaques et des tentatives de suicide, aborde à la fois les aspects comportementaux et la globalité de la personne toxicomane. Au niveau de la clinique, ces modalités recherchées impliquent des aménagements qui seraient incompréhensibles sans cette approche spécifique aux toxicomanes.