Guilain Mathe

Sécurité, gouvernance rebelle et formation de l’État au Kivu, République Démocratique du Congo (2004 – 2013)

Guilain Mathe est Docteur ès science politique (études de conflits et de paix) à l’Université de Lausanne. Il est également défenseur des Droits de l’Homme (Chargé du monitoring des libertés académiques) au sein du réseau Scholars at Risk (SAR) basé à l’Université de New York. Avant ses études doctorales, il a obtenu un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en Gestion des conflits et paix en 2011. Ses recherches et publications portent sur les Acteurs armés non-étatiques, la Gouvernance et la Réforme du Secteur de Sécurité et le Statebuilding, avec un intérêt particulier pour les Sociétés dites fragiles et (post-)conflictuelles d’Afrique Subsaharienne. Il a soutenu sa thèse en avril 2018, sous la direction du Prof. Graz (IEPHI).

Cette thèse examine les rapports entre la gouvernance rebelle et la formation de l’État dans le contexte des guerres civiles de la période post-Guerre froide. Elle se focalise sur la régulation de la sécurité des civils sur les territoires sous le contrôle des rebelles. L’étude de la gouvernance de la sécurité sur le territoire rebelle soulève des enjeux complexes qui sont à la fois théoriques, méthodologiques et politiques. Ceux-ci se rapportent particulièrement à la tendance à la dépolitisation des guerres civiles d’après la Guerre froide dans les approches dominantes des guerres civiles en science politique.  S’inscrivant dans la suite des études critiques des relations internationales (études de conflits et de paix), cette thèse suggère un cadre heuristique pour analyser les « interactions complexes » entre guerres civiles et formation de l’État aujourd’hui : la négociation de l’autonomie de l’État dans la guerre civile. L’objectif de ce cadre d’analyse consiste à reconceptualiser partiellement et à illustrer partiellement la gouvernance rebelle dans son rapport avec la formation de l’Etat. D’une part, cette thèse (re)conceptualise la gouvernance rebelle comme un processus dynamique et partiellement indéterminé de négociation par les insurgés d’un ordre politique « hybride », qui est caractérisé par une triple multispatialité (c’est-à-dire une triple interaction entre les sphères domestique et inter/transnationale) : la multispatialité des enjeux de la négociation (multifactorialité de la gouvernance rebelle) ; la multispatialité des ressources de la négociation (multicausalité de la gouvernance rebelle) ; et la multispatialité des effets de la négociation sur l’institutionnalisation des rapports de pouvoir (réflexivité duelle de la gouvernance rebelle). D’autre part, pour illustrer ce cadre d’analyse, cette thèse procède par une étude de cas approfondie de la régulation de la sécurité par les rebelles congolais du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), apparue en 2004 dans la région du Kivu en pleine transition post-conflictuelle et qui s’est transformé en Mouvement du 23 mars (M23) en 2012. L’analyse repose sur une multiplicité de sources incluant principalement l’analyse des discours des rebelles ; l’observation ethnographique des dynamiques sécuritaires sur le territoire rebelle ; les entretiens centrés avec les rebelles et les civils et l’analyse des rapports de la mission onusienne et du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC.