Le Professeur Boris Beaude a été engagé à la rentrée par la Faculté des sciences sociales et politiques pour renforcer le domaine de recherche et d’enseignement des humanités numériques.
Géographe de formation, Boris Beaude a enseigné pendant 8 ans à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po). Avant de rejoindre l’UNIL, il était chercheur à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne.
Quel est le parcours qui vous a amené à devenir chercheur ?
Ce parcours a certainement commencé très tôt. Mes parents m’ont encouragé dans la curiosité qui m’animait dès le plus jeune âge. Je ne me suis jamais contenté de ce qui était, me demandant souvent pourquoi c’était ainsi et pas autrement. Cela ne m’a jamais vraiment quitté. J’ai rencontré par la suite des personnes qui m’ont accompagné dans ce questionnement, puis donné l’envie d’en faire un métier.
Votre domaine de recherche en une phrase ?
Mon domaine de recherche interroge l’évolution conjointe des médiations sociales et des technologies numériques.
Et un sujet plus précis en quelques mots ?
Je m’intéresse beaucoup à la production, la circulation et l’usage des traces numériques. Ces traces sont à présent des composantes essentielles de l’économie (ciblage commercial, offres ciblées…), de la surveillance (lutte contre la criminalité, espionnage…), de la communication (légitimités, identités, filter bubbles et echo chamber). La plupart du temps, comprendre les enjeux relatifs aux traces numériques exige de reconsidérer les présupposés de la sociologie du XIXe siècle (Comte et Tarde en particulier) et la résurgence de la physique sociale à laquelle nous assistons. Cela questionne plus généralement les conditions de l’expérimentation scientifique et la distinction entre la description, la compréhension et la prédiction. Cela pose aussi la question de l’individu en des termes sensiblement renouvelés.
Pourquoi ce domaine de recherche ?
Ce choix s’est clarifié au cours des années. Dans un premier temps, je me suis intéressé à Internet, comme espace, puis comme renouvellement des médiations sociales. Il est rapidement apparu que les traces, comme dans tout autre espace, y jouaient un rôle particulièrement important. Les débats actuels autour du big data, du machine learning et de la gouvernance algorithmique, par exemple, sont tous étroitement liés à la prolifération des traces numériques. Ils questionnent non seulement les conditions pratiques de nos intelligibilités, mais aussi le contexte politique de leur déploiement.
Pourquoi faire cette recherche à la Faculté des SSP de l’UNIL ?
La Faculté des SSP propose un projet de recherche et d’enseignement original, qui propose d’aborder les enjeux du numérique dans une perspective particulièrement élargie. En collaboration avec la Faculté des lettres et la Faculté de théologie et de sciences des religions, ainsi qu’avec l’EPFL, nous disposons d’un cadre privilégié, qui propose l’altérité nécessaire aux recherches et aux enseignements portant sur un domaine qui mobilise des compétences et des connaissances d’une rare diversité.
Qu’attendez-vous de vos recherches ?
Je souhaite rendre plus intelligibles les enjeux relatifs au renouvellement des médiations sociales et à la généralisation de la traçabilité.
Quelles difficultés éprouvez-vous dans le travail de recherche ?
Elles sont nombreuses. Malgré mon enthousiasme et ma passion, je trouve que la recherche contemporaine laisse peu de temps au recul, à l’introspection, à la lecture et à l’écriture lente et réfléchie. Par ailleurs, et mon domaine n’est pas épargné, j’éprouve de plus en plus de difficultés à accueillir la quantité innombrable de publications, confortant plus encore mes doutes à l’égard de cette mesure de la production scientifique.
Quels sont les talents cachés qui vous aident à surmonter ces difficultés ?
Ils doivent être bien cachés. Je n’y parviens pas. Je tends à m’en remettre à des textes plus anciens, dont la résistance au temps me fait profiter du talent de tous ceux qui ont contribué à leur reconnaissance. Mais en cela, je ne fais qu’accroitre les possibles…
Qui serez-vous dans 10 ans ?
Je n’en ai pas la moindre idée. Je n’ai cessé d’être surpris et espère l’être encore.