Marion Repetti

Du retraité méritant au senior actif : genèse et transformations de la figure sociale de la vieillesse en Suisse

Après avoir obtenu une licence en sciences sociales à l’Université de Lausanne en 2007, Marion Repetti a commencé une thèse de doctorat dans la même discipline. Elle a d’abord mené ce travail en parallèle à une activité d’assistante sociale. Elle a ensuite rejoint l’Ecole d’études sociales et pédagogique de Lausanne où elle a collaboré à un projet portant sur les politiques de la vieillesse. Elle est aujourd’hui assistante d’enseignement à l’Institut des sciences sociales de l’UNIL.

« Crise de l’assurance-vieillesse », « déséquilibre démographique », « vieillissement de la population », « faillite des systèmes de retraite », voilà des expressions qui occupent une place prépondérante dans les discours portant sur l’avenir de la sécurité sociale aujourd’hui. Les autorités politiques suisses comme européennes font part de leur inquiétude face à la situation d’urgence que présenteraient les « sociétés vieillissantes ». En effet, alors que l’assurance-vieillesse s’adressait initialement à une catégorie résiduelle de personnes qui parvenaient à vivre plusieurs années au-delà de 65 ans, elle couvre maintenant près d’un cinquième de la population globale. Partant, les autorités fédérales appellent à une restriction des conditions d’accès à la rente de vieillesse.

À première vue, les débats qui portent sur cette question dans l’arène politique relèvent de considérations essentiellement techniques liées aux conditions économiques de perpétuation de l’assurances-vieillesse : il s’agit de modifier les règles d’accès à l’assurance ainsi que le montant des prestations afin d’assainir les caisses tout en faisant face à l’augmentation du nombre de retraités. Ce travail de thèse aborde cette question par une autre approche. Nous partons du postulat que les débats portant sur l’avenir de la politique de la vieillesse sont révélateurs d’une lutte entre acteurs du champ de régulation sociale qui participent d’un travail d’élaboration d’une pensée d’Etat, au sens de Bourdieu. Cette lutte a pour objet l’imposition de catégories de pensées, soit la définition de ce qu’est un âgé aujourd’hui et de ce qu’il est moralement acceptable d’attendre de lui. Nous montrons que cette question peut être comprise à l’aune de l’histoire du traitement social de la vieillesse dont nous relatons ici la genèse et les transformations. Nous soulignons également combien cette pensée d’Etat marque la manière dont les retraités aujourd’hui cherchent à se valoriser face à la déstabilisation de leur statut social.