Playing Second Fiddle: Expert Advice and Decision-making in Switzerland
Avant de commencer son doctorat sous la direction du Prof. Dietmar Braun à l’Institut d’études politiques et internationales (IEPI), Raffael Himmelsbach a obtenu une licence en science politique à l’Université de Genève, où il a développé des recherches autour de la gouvernance des ressources naturelles en menant un travail empirique en Mongolie. Pendant sa thèse, défendue en juin 2014, il a pu profiter d’une bourse FNS afin de développer des compétences dans le domaine des études sociales sur la science à l’Arizona State University aux Etats-Unis.
Cette thèse porte sur le rôle de l’expertise scientifique dans le processus décisionnel au niveau fédéral en Suisse. Elle tente de comprendre comment des facteurs liés aux institutions politiques ainsi qu’aux dynamiques engendrées par des enjeux politiques particuliers, influencent la distribution d’accès à l’expertise scientifique, sa valorisation par des acteurs politiques comme ressource stratégique, et les effets que sa mobilisation produit sur le processus décisionnel.
Le cadre théorique de cette recherche postule que la distribution de l’accès à l’expertise scientifique et sa disponibilité dépendent de l’allocation de ressources financières et organisationnelles dans le système politique. Ceux qui en disposent vont évaluer l’utilité de l’expertise scientifique par rapport à leurs intérêts et à la lumière de la structure des conflits qu’ils anticipent comme étant dominante dans l’arène politique.
Les résultats empiriques montrent que la configuration institutionnelle du système politique suisse produit une forte concentration, dans les mains de l’administration fédérale, des ressources nécessaires pour mobiliser l’expertise scientifique. Le parlement, les partis politiques ainsi que d’autres acteurs de la société civile ne disposent que de peu de moyens à cette fin. De plus, les producteurs traditionnels d’expertise scientifique issus du système de milice (comme, par ex., les commissions extra-parlementaires ou les académies scientifiques) ne disposent pas d’un accès au pouvoir politique autre que celui dont disposent aussi les groupes d’intérêt. Ces producteurs sont de plus en plus remplacés par des homologues professionnalisés qui offrent leurs services à l’administration fédérale sous forme de prestation. Par contre, d’autres changements comme la polarisation partisane croissante dans le système politique ainsi que la diminution de l’inclusion des groupes d’intérêts dans la phase pré-parlementaire ne semblent pas contribuer à une politisation croissante de l’expertise scientifique. Finalement, la structure d’un problème politique exerce une influence à la fois sur la décision de mobiliser l’expertise scientifique et sur les effets de cette dernière : elle conditionne la structure d’un conflit ainsi que son anticipation. En particulier, des problèmes structurés engendrent une superposition d’acteurs : ceux qui contrôlent la mobilisation de l’expertise et ceux qui en constituent l’audience. Ceci augmente la chance que l’expertise puisse contribuer au contenu d’une politique. Par contre, cette influence diminue en présence d’un problème peu structuré et marqué par des conflits de valeur.