Pouvoir discrétionnaire et redevabilité de la bureaucratie de guichet : les taxateurs d’une caisse de chômage comme acteurs de mise en œuvre
Aurélien Buffat a obtenu sa licence en sciences politiques en 2005 et son doctorat en sciences politiques en décembre 2011 à l’Université de Lausanne. Cette thèse a été menée sous la direction du professeur Ioannis Papadopoulos. Il est actuellement premier assistant à l’Institut d’Etudes Politiques et Internationales (IEPI) et actif dans les enseignements portant sur l’analyse des politiques publiques et la politique suisse.
Cette thèse de doctorat porte, de manière générale, sur le rôle des acteurs administratifs dans la mise en œuvre de l’action publique. Dans le contexte de l’implémentation de la politique suisse d’assurance-chômage, la recherche se focalise plus particulièrement sur l’étude de la bureaucratie de guichet, à savoir un type spécifique d’administrations et d’agents publics qui sont situés aux premières lignes de l’action étatique et qui sont en contact direct et quotidien avec les usagers. La thèse a pour objectif principal d’obtenir une compréhension détaillée des impacts concrets dont sont porteurs deux types de réformes majeures du secteur public : les réformes de Nouvelle Gestion Publique (NGP) et les nouvelles technologies informatiques. La recherche consiste en une étude approfondie des effets de ces réformes sur les bureaucraties de guichet, et en particulier sur deux aspects centraux les concernant : d’une part, le niveau de pouvoir discrétionnaire que les agents publics de base disposent dans l’application de la loi fédérale sur l’assurance-chômage, autrement dit leur marge de manœuvre ; d’autre part, les manières par lesquelles ces mêmes agents sont appelés à rendre des comptes sur leurs actions et décisions, à savoir l’enjeu plus large de la redevabilité publique des acteurs administratifs.
Ces enjeux ont été analysés au niveau empirique dans le contexte organisationnel d’une caisse publique cantonale de chômage ayant expérimenté les réformes évoquées ci-dessus. L’organisation choisie a été investiguée par une étude de cas ethnographique approfondie (observation directe du travail quotidien des agents, entretiens semi-directifs, analyse de documents) pendant une période de six mois environ, entre 2008 et 2009. L’analyse empirique fournit quatre résultats principaux : a) de manière générale, les taxateurs de la caisse de chômage disposent d’un faible niveau de pouvoir discrétionnaire ; b) le degré de pouvoir discrétionnaire varie selon le type de tâche ; c) les agents sur le terrain rendent des comptes auprès d’une multiplicité d’acteurs, sur une variété d’aspects de leur travail et au travers de différents mécanismes de contrôle ; d) les outils de NGP et les nouvelles technologies informatiques ont peu d’impact sur l’étendue du pouvoir discrétionnaire des agents mais contribuent à influencer le type de redevabilité publique pratiquée à ce niveau.