Justice, climat et capital
Romain Felli a obtenu une licence ès Lettres en géographie à l’Université de Lausanne en 2003 et un Master en histoire et théorie du politique à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris en 2005. En 2011, il a obtenu le titre de docteur en science politique de l’Université de Lausanne pour sa thèse effectuée sous la direction de la prof. Biancamaria Fontana. Bénéficiant d’une bourse de chercheur débutant du FNS, il est actuellement Visiting Fellow à l’Université de Manchester.
Dans le contexte de la crise écologique actuelle, et à partir d’une critique des théories normatives libérales de la « justice globale » (Rawls, Miller, Pogge, Nussbaum, etc.), ce travail entreprend une reconstruction de la théorie marxiste de la valeur. Analysant à la fois la « production de la nature » et la concurrence inter-impérialiste, le cadre théorique ainsi construit propose un renouvellement matérialiste de l’analyse de la gestion de la crise climatique et de ses conséquences. Il permet aussi d’expliquer la forme et les raisons de l’échec de la gestion, au moyen du droit international, de la crise climatique.
Les résultats montrent en particulier que la mise en œuvre des « mécanismes de flexibilités » du protocole de Kyoto participe de la construction d’un droit de propriété sur la capacité de la terre à assurer le cycle du carbone et à l’inégale distribution de ce droit entre Etats, sous la forme d’une « rente » climatique. Les conséquences de cet échec produisent alors une transformation dans les politiques de l’« adaptation » au changement climatique. En se concentrant sur le cas des « réfugiés climatiques », ce travail explique le passage d’une rhétorique des « réfugiés climatiques » à une rhétorique des « migrations climatiques », politique de l’adaptation qui est promue par les organisations internationales. La promotion de ces migrations témoigne d’une redéfinition de l’adaptation centrée sur la transformation individuelle, et non plus sur un projet collectif et politique de développement. La crise climatique et sa gestion produisent néanmoins leurs propres contradictions qui prennent la forme, notamment, de luttes sociales et écologiques qui sont abordées dans la conclusion de cette thèse.
S’inscrivant à la fois dans la redécouverte de la critique de l’économie politique classique, dans la théorie politique normative et dans l’économie politique internationale, ce travail contribue de manière substantielle à l’étude de la gouvernance internationale de l’environnement, en particulier du changement climatique.